José Ángel Sánchez, la tête pensante du Real Madrid
Le conseil d’administration du Real Madrid est
composé de vieux messieurs. José Ángel Sánchez n’est ni vieux et ne
fait pas partie de ce conseil. Pourtant, il est l’homme le plus
important du club au même titre que le président.
Portrait.
Trois-cents personnes travaillent dans les bureaux du Real Madrid. Il y a le numéro 1, Florentino Pérez, et puis il y a le numéro 1 bis, José Ángel Sánchez. Qu’en est-il de cet homme présent au club depuis plus longtemps que Florentino ?
Directeur général, cela ne veut pas dire grand-chose. C’est plutôt un poste créé pour pouvoir justifier l’importance de celui qui l’occupe. Et de quelle importance parle-t-on au juste ? Celle des arrivées de Beckham, d’Owen, de van Nistelrooy, de Kaká, de Mourinho ou encore de Benítez. Une sorte de directeur sportif alors ? Non, car le projet de faire du Real la plus grande puissance économique de la planète football, c’est lui qui l’a pensé. Impliqué sur plusieurs fronts, la fonction vague de “directeur général” ne lui correspond pas trop mal.
De Sonic à Raúl
Diplômé en philosophie et lettres, Sánchez officie dans le courant des années 90 pour Sega, compagnie japonaise de jeux vidéo. Devenu expert en marketing on ne sait trop comment, il grimpe les échelons et se retrouve directeur général de la marque pour le Sud de l’Europe. Au même moment, Florentino Pérez brigue la présidence du Real Madrid. Sa promesse d’arracher Figo au Barça fait mouche et il est élu. L’une de ses premières tâches consiste à s’entourer d’une équipe de proches collaborateurs. Il en a déjà choisi deux : un directeur général (de Albornoz, qui refusera de payer soixante-mille euros pour un jeune nommé Neymar, en 2006) et un directeur sportif (Jorge Valdano, qui a tout vu dans le football). Il manque un troisième homme, capable de prendre en main le marketing de l’entité madrilène.
Après quelques mois, le nom de José Ángel Sánchez est proposé au presi. Convoqué à un entretien d’embauche, le jeune directeur va passer des jours à apprendre le fonctionnement du club en matière de marketing et de communication, avec l'aide d’un connaisseur. Alors âgé de trente-trois ans, il est engagé en octobre 2000. En six ans, il va faire venir les plus grands joueurs à Madrid et conférer au club une image très glamour. Pour ce faire, quoi de mieux que d’attirer des Galactiques dans ses rangs ?
Sánchez l’a bien compris, pour gagner davantage d’argent, ce n’est pas sur la billetterie et les primes qu’il faut miser, mais bel et bien sur les droits TV et sur le marketing. Ces deux dernières catégories sont moins aléatoires que les autres, en ceci qu’elles ne dépendent pas des résultats du club à court terme. Sans oublier qu’à cette même époque, arrive un nouvel outil précieux au marketing : internet. Dans les bureaux de Concha Espina, on a flairé l’enjeu majeur qui se cache derrière ce réseau, à tel point qu’en 2001, le sponsor sur la tunique merengue disparaît pour faire place au nom du site internet du club.
Plus tard, en 2004, de Albornoz
déclare : « Nous voulons approfondir le développement
international de la marque Real Madrid, en faisant un effort
particulier de pénétration commerciale sur des marchés à haut
potentiel, comme le sont le nord-américain et l’asiatique ».
Le Real Madrid est devenu une marque. Si la santé économique du
club est excellente aujourd’hui, c’est grâce aux bases posées une
décennie auparavant. Regrettable pour un puriste, indispensable
pour celui qui exige des résultats. Ma fois, pour gagner, il faut
vivre avec son temps.
De taupe à ami de Mou
La première aventure de Florentino à la Maison Blanche prend fin un jour de février 2006. Sánchez lui, ne bouge pas. Ramón Calderón, nouveau président, sait que cet homme détient la clé du trésor. Les finances du club reposent sur ses idées novatrices. Sánchez accepte la continuité à une condition : il veut gagner plus que le nouveau directeur sportif, Predrag Mijatović (ancienne gloire du club). Son salaire est alors ajourné à un million deux-cent mille euros. Pendant l’étape de Calderón, il reste en contact avec Pérez, lui rapportant ce qui se passe au sein du club. Pensait-il déjà à un retour de son ex patron ? Cette manœuvre lui permettra par la suite de devenir l’homme de confiance de Pérez dès son retour. Estimant que Sánchez est la meilleure personne pour faire la transition entre les années Calderón et les Galactiques 2.0, il sera maintenu en poste.
Depuis 2009, il occupe toujours plus de
place au Real, notamment parce que Valdano a été viré à la suite
d’un conflit avec Mourinho. L'Espagnol et le Special
One se sont toujours bien entendus, étant donné que Sánchez a
milité pour la venue du Portugais à Madrid. Quand le Mou demandera
plus de pouvoir, Sánchez n'hésitera pas à faire le ménage pour le
lui octroyer. Qui dit Mourinho dit Jorge Mendes, avec qui
Sánchez entretient également de bonnes relations (ce qui n’est pas
le cas avec tous ses collègues). Forcément, les négociations avec
le super agent en sont facilitées. Récemment encore, de Gea,
poulain de Mendes, aurait dû venir à Madrid. Cette affaire a
précisément rythmé l’été du directeur général, embourbé dans les
complications du triangle Casillas-Navas-de Gea d’un côté, et mis
sous pression par les exigences salariales de Sergio Ramos de
l'autre. Le Real Madrid étant orphelin de directeur sportif, c'est
lui, et dans une moindre mesure Florentino, qui composent les
effectifs.
De 1950 à 2020
Actuellement, le Real cherche à se moderniser par l'intermédiaire des nouvelles technologies et atteindre ses cinq-cent millions de fans à travers le monde, d'où le partenariat avec Microsoft. "Ce club a décidé de construire un grand stade à Madrid dans les années 50, où le seul argent qui arrivait aux clubs de foot provenait de la billetterie. Le club a créé un stade énorme, qui est le Bernabéu actuel, avec une capacité pour plus de cent mille personnes. Et comme le stade était toujours plein, les revenus du club étaient supérieurs aux autres et il a pu se permettre l'investissement dans de grands joueurs autour du monde. Maintenant, soixante ans plus tard, le nouveau Bernabéu c'est le monde. La nouvelle structure qui va nous soutenir et faire la différence, c'est le monde lui-même" déclarait-il ce printemps. Comme quoi, quand il est question de marketing, José Ángel Sánchez n’est jamais loin, bien caché qu’il est par l’ombre protectrice de Florentino Pérez. À Pérez l'amour du Real, à Sánchez le pragmatisme.