Dans un long entretien pour Marca, le technicien italien s'est livré à coeur ouvert sur sa carrière et son ancien club, le Real Madrid.
De retour sur un banc après une année sabbatique (la première en 20 ans de carrière), qu'avez vous ressenti ?
"J'aime énormément le football. Je suis revenu dans un très bon club. Je suis content et en plus nous avons débuté par une victoire. L'année sabbatique m'a permis de me reposer. J'ai passé une super année au Canada."
Pourquoi avez-vous décidé de mettre entre parenthèses votre carrière d'entraîneur ?
"Parce qu'après 20 ans, je pense que c'était le moment. De plus, je devais me faire opérer des cervicales et devais rester tranquille 2 ou 3 mois. C'était le moment pour le faire. J'ai eu l'opportunité d'aller à Milan mais je pensais que ce n'était pas le bon moment pour y revenir."
Le Real est-il si différent des autres clubs, comme on le dit souvent ?
"L'expérience me dit que tout entraîneur qui en a la possibilité se doit de coacher le Real Madrid au moins une fois dans sa vie. Il fait partie des plus grands clubs du monde. C'est une très bonne expérience, quasi unique. Ce qui se passe au Real n'a pas lieu dans d'autres clubs. Le nombre supporters qu'il possède dans le monde entier est impressionnant, ils t'attendent et apparaissent dans n'importe quel lieu, à n'importe quel moment (hôtels, aéroports...). C'est une expérience unique qui vaut la peine d'être vécue. Même quand ils te licencient ! (rires)"
Pouvez-vous m'expliquer ce dernier point ?
"Lorsque j'ai signé je savais déjà qu'il faudrait assumer une fin. Ce fut deux années intenses mais très bonnes."
En quoi note t-on la différence avec les autres équipes ?
"De par l'histoire, la tradition, les supporters...Il existe un amour inconditionnel envers le Real dans le monde entier."
Chaque personne qui passe par le Real est-elle automatiquement madridista ?
"Bien sur que oui, je suis madridista. J'ai beaucoup de tendresse pour le Real comme j'en ai pour le Milan. Pour le PSG et Chelsea également. Mais oui, je suis madridista !"
Les gens avaient adoré que vous affichiez une photo de la Décima dans votre bureau...
"Elle me plaît beaucoup pour ce qu'elle représente. La Décima fait partie de mes meilleurs souvenirs, à la hauteur de ma première Ligue des Champions avec Milan. Elles ont la même valeur. Nous avons lutté pour l'obtenir."
Comment peut-on être à la fois entraîneur et ami des joueurs ?
"Le plus important est le respect. Celui que j'ai pour mes joueurs et celui qu'eux ont envers moi et les gens qui travaillent à mes côtés. Quand tout ça est réuni, c'est facile d'avoir une bonne relation avec les joueurs. L'amitié vient par la suite, quand on ne travaille plus avec eux. Maintenant, oui je peux dire que je suis l'ami de Cristiano Ronaldo et des autres. J'ai beaucoup d'affection pour le groupe de joueurs dont je disposais au Real. Je me sentais parfaitement bien lorsque je travaillais avec eux, ce fut une expérience magnifique."
La chance a ouvert la voie à la Décima, comme elle a mis fin a votre deuxième année à Madrid…
"Je suis d'accord, mais dans la deuxième saison, nous avons perdu un joueur très important comme Di Maria. Sont arrivés deux autres joueurs comme Kroos et James, qui ont fait de très bonnes choses. Dans la deuxième saison, l'équipe était plus solide. Dans le sprint final, nous avons perdu des joueurs importants et ce fut déterminant, comme cinq titulaires le jour de la défaite contre l'Atletico. Nous avons fini par le payer. Nous nous sommes battus jusqu'à la fin, mais chaque club est libre de choisir ce qu'il veut faire à la fin de chaque saison. Madrid a décidé de changer et c'était son droit. Mon départ ne changera pas ce que je pense de mes deux années au club. Mon départ du PSG était différent parce que je voulais partir."
Quel est le temps idéal pour un coach sur le banc d'un même club ?
"Je pense que la durée idéale est deux ans. J'aimerais que ce soit plus mais quand un grand club doit tout gagner ce n'est pas toujours possible. Il y a de la pression et c'est normal dans un travail comme celui-ci. Je m'en nourris, chaque jour est différent. Je ris avec les joueurs, j'apprends à les connaître, je prépare le prochain entraînement, le prochain match... Il y a peu de temps pour penser à la pression. Sans cela, ce serait ennuyant."
Et le Bayern ?
"C'est un grand club avec une grande histoire, un club organisé avec un président qui a été joueur. La colonne vertébrale de l'équipe est très claire : Neuer, Lahm, Müller... des joueurs qui connaissent parfaitement le club et d'autres qui sont issus des équipes de jeunes et jouent depuis longtemps ensemble."
Vous succédez à Pep Guardiola, dans quel état avez-vous retrouvé l'équipe ?
"Une équipe d'une grande qualité de possession et de jeu de transition. Quand elle n'a pas la balle, elle est très agressive. Quand je suis arrivé, j'avais dit que je ne ferais pas de révolution parce que ce n'était pas nécessaire. Les gars sont très compétitifs et il faut simplement penser à un peu plus pour tenter de remporter la Ligue des Champions."
Seule la victoire compte ?
"Evidemment. Le Bayern reste sur 4 championnats consécutifs remportés et on doit juste faire un peu plus pour la LDC. Je n'ai pas d'ambition personnelle. Je veux juste vivre une nouvelle expérience dans un pays différent, une langue compliquée et faire le maximum pour que le Bayern puisse tout gagner. Attention, nous devons également remporter le championnat, rien n'est gagné d'avance."
Vous parlez de la Ligue des Champions justement...
"Il faut essayer d'arriver dans les meilleures conditions aux rencontres cruciales puisque ça fait 3 ans que le club s'arrête en demi-finale. On doit tenter de ne pas avoir de blessés, travailler pour cela, même si ce sont des choses que nous ne contrôlons pas."
Qui est le favori pour la LDC ?
"Il y a 7 clubs qui peuvent la gagner. Les 3 espagnols, la Juve, City, le PSG et le Bayern."
Et pour la Liga ?
"Le Real Madrid est naturellement le favori. C'est une équipe toujours compétitive, et après 4 sans sans la remporter la motivation sera plus élevée encore."
Peu de transferts cet été…
"Morata est revenu et le renfort Asensio est très intéressant. Je pense que les objectifs vont changer. J'aimerais que le Madrid se concentrer davantage sur la Liga et laisse un peu de côté la Ligue des Champions, comme ça le Bayern aura plus d'options ! (rires)"
Comment voyez-vous Cristiano, qui semble n'avoir aucune limite ?
"Il marquera autant de buts que ces dernières saisons. Cela ne peut pas être considéré comme une bonne chose, mais sa blessure tombe bien car grâce à cela il s'est bien préparé physiquement pour être au top. Il n'a pas de limite parce qu'il n'en met pas à ses entraînements, à sa récupération."
Comment dire à un joueur comme Ronaldo qu'il doit faire une pause, que demain il ne jouera pas ?
Un jour, je lui ai dit "tu ne vas pas jouer demain, tu dois te reposer". Il m'a dit qu'il se sentait bien, qu'il s'était reposé jusqu'à huit heures et demi, et il a joué. Je ne l'ai jamais vu fatigué. Il est clair pour lui que la récupération est aussi importante que l'entrainement. Dans le football d'aujourd'hui, c'est tout autant important."
CR7 ou Messi ?
"J'ai toujours dit que le meilleur que j'avais entrainé était Cristiano. Voyons, je n'ai jamais entraîné Messi, je ne peux pas dire l'un ou l'autre. Une année Cristiano est meilleur, l'autre c'est Messi. La concurrence entre eux les aide et aide le football. Ce sont les meilleurs et ils ont une image parfaite. D'autres ont eu leurs qualités, mais pas leur image. Ils sont très importants pour le football."
Pourquoi l'Allemagne ?
"Comme ça la boucle est bouclée. Italie, France, Angleterre, Espagne et Allemagne. L'Italie ? Peut être. Je suis italien, mais pas la sélection. J'aime le travail quotidien."
Et un retour au Real Madrid ?
"Bien sûr. Il n'y a aucune raison que ça n'arrive pas. Ce fut une expérience très agréable. Je dois remercier le club de m'avoir recruté, de m'avoir donné la possibilité d'entrainer Madrid. Je peux dire que j'ai entraîné le Real grâce au président, qui a voulu de moi pour cette période."