Suite des aberrations dont est victime le football espagnol. Le contexte actuel le démontre à nouveau, Villar est intouchable.
En parlant d’argent
En plus de profiter de terres gratuitement, la RFEF a droit à d’autres avantages fiscaux. Estampillée société à but non-lucratif (c’est vrai, le football ne rapporte rien du tout) elle est exempte de payer des impôts. Et pourtant, de l’argent, elle en gagne en masse. Las Rozas lui rapporte déjà un joli pactole (musée, possibilité de louer des salles, des terrains). Elle organise la Supercoupe d’Espagne et la Coupe du Roi. Les prix exorbitants des billets pour les grandes affiches de ces deux compétitions sont fixés par elle et la majorité du bénéfice des entrées lui revient.
Ses caisses se remplissent en partie grâce aux clubs et à ses installations, mais c’est surtout la Sélection qui draine les plus grosses parts. L’équipe de del Bosque permet à l’instance dirigeante du football espagnol d’empocher 12.5 millions d’euros grâce aux droits audiovisuels de ses matchs amicaux. Son cachet est de 30'000 euros/minute, soit le plus élevé au monde.
Les marques s’arrachent les joueurs dans leurs publicités. Plusieurs fois, lors des concentrations dans la ville du foot, les internationaux passent plus de temps à tourner des annonces qu’à s’entraîner. Sur les 124 millions de budget de la RFEF, 35 sont dus aux pubs. Cet été au Brésil, la Sélection avait 19 sponsors.
Si la RFEF est autant prospère, elle le doit évidemment aux succès de son équipe phare. Depuis 2008, les gains ont explosé tant au niveau sportif qu’économique. La Fédération est même capable de s’auto-financer. Après l’Euro 2008, du fait que les recettes ne cessaient d’augmenter, Villar a décidé de renoncer au financement du CSD. Conséquence de cette décision, plus besoin de rendre de comptes à l’Etat à propos de l’utilisation de cet argent public. Revers de la médaille, le football amateur et féminin a souffert de cette absence de fonds.
En péril, mais jamais déchu
« La RFEF est devenue la maison de Villar et les collaborateurs, des amis à son service » José María Gay de Liébana, expert en économie du sport
Villlar a déjà échappé à toutes sortes de procès. Mais actuellement, sa situation empire au fur et à mesure que les jours passent. L’accumulation des abus qu’il a commis ne joue pas en sa faveur. Les premières accusations concrètes remontent à 2005. Lors d’une séance organisée par la RFEF où le sujet était l’approuvement des comptes de la Fédération, il est accusé publiquement par des collaborateurs de détournement de fonds. Il aurait utilisé cinq millions de subventions à des fins privées. Plus précisément, pour payer des voyages à sa famille et à ses amis. Son discours d’ouverture autoritaire et sans pitié avec le CSD provoque les applaudissements de l’assemblée.
Par la suite, la séance se transforme en règlement de comptes et le ton monte. Villar refuse de répondre aux questions de son interlocuteur prétextant que ce n’est pas le sujet du jour. Il s’en sort à coups de « taisez-vous » de menaces et de blagues ironiques. « Oui vous êtes très fort monsieur ne vous en faites pas, Superman vous êtes » ou encore « Tenez-en vous au budget, oui je vais vous laisser parler mais uniquement du budget » tonne-t-il quand on lui reproche ses irrégularités. Son attitude agressive et provocante est indigne d’un dirigeant mais l’immense majorité de l’assemblée est de son côté, allez savoir pourquoi.
L’homme qui va tenter de le traîner en justice est son pire ennemi, Javier Tebas, alors pas encore président de la LFP. Villar le hait au point de l'avoir publiquement insulté lors d'une assemblée. Pour les voir collaborer, il faudra repasser. Une fois arrivé au poste qu’il occupe actuellement, Tebas retire la demande à la Justice concernant l’imputation de Villar. Pourquoi le seul homme qui ose s’attaquer à Villar finit-il par retirer la demande ? « Pour le bien du football. dit-il. Pour ne pas que le président de la LFP se fasse l’avocat d’un avis qui va à l’encontre de plusieurs dirigeants de la Fédération ».
Tebas a donc annulé sa demande, mais ce n’est pas pour autant que Villar peut être tranquille car c’est maintenant le CSD qui accuse le président. Comme annoncé en début d’article, des irrégularités ont été mise en lumière et la Fédération est appelée à s’expliquer. La RFEF refuse de comparaître et tente une nouvelle fois de s’en sortir à sa manière.
23 millions de contributions publiques lui ont été versées en 2 ans. Où/Dans quoi est passé cet argent ? Seules quelques personnes le savent. Villar et son bras droit, Juan Padrón, vice-président, inventent des causes pour expliquer l’usage de ces sommes. Des événements inexistants, des campagnes de pub fictives coûtant un million, la création de dizaines de terrain de football inutilisés sur l’île de Tenerife où réside Padrón, tous construits pas la même entreprise. Il a aussi encaissé deux millions destinés à la Fédération dans sa fortune personnelle. À 80 ans, Padrón a déjà été décoré deux fois par la municipalité de Tenerife et une rue à son nom lui a été attribuée. Cherchez l’erreur.
Les lois. Quelles lois ?
Pour revenir au conflit qui oppose la RFEF au CSD, Villar a fait machine arrière et a demandé que la traditionnelle subvention à laquelle il a renoncé pendant six ans lui soit versée. Problème, tout le monde sait que cet argent a été détourné par le passé et que la RFEF doit huit millions au CSD faute de pouvoir présenter des factures valables nécessaires à justifier la destination de ces subsides.
À défaut de posséder des preuves tangibles à faire valoir, Villar soutient que « l’argent qui arrive au football est destiné au football et est exempt d’explications ». Au moment de contourner la loi, Villar et Padrón n’en sont de toute manière par à leur coup d’essai/de succès.
En 2008, la cote de popularité de Villar n’est pas à son apogée et les élections approchent. Il entend briguer un sixième mandat et pour ce faire, doit présenter sa candidature avant l’Euro sur ordre du gouvernement, le même pour toutes les fédérations du pays. Lors de l’assemblée générale de mars 2008, dans un nouveau discours dans son plus pur style, il accuse le gouvernement de vouloir diriger le sport et prendre des décisions qui ne le regardent pas. Il ignore la loi espagnole et choisit de suivre la seule qui l’intéresse et l’arrange, à savoir celle de la FIFA. Il assure même que la participation de l’Espagne aux compétitions internationales est en danger si le gouvernement continue d’établir de tels décrets. Villar convoque donc des élections après l’Euro 2008 et suite au but victorieux de Torres, il n’a aucun mal à obtenir la majorité. L’imputation de l’ancien secrétaire d’Etat du Sport n’aura pas eu le moindre effet sur lui. Maintenant, c’est l’actuel secrétaire, Miguel Cardenal qui reprend le combat contre AMV. Depuis qu’il s’oppose aux manières de faire de Villar, le ministre n’est plus invité aux matchs de la Sélection, comme l’ont été tous ses prédécesseurs.
Comme le CSD n’est pas prêt à céder face au totalitarisme du président de la RFEF, Villar menace de paralyser le football espagnol. Dernièrement, il a obtenu gain de causes auprès de neuf fédérations régionales qui ont stoppé leur activité et trouvent toutes que le gouvernement ne doit pas se mêler de l’argent qui circule au sein des clubs régionaux. Les fédérations accusent le CSD et le gouvernement contrairement au CSD qui accuse Villar d’utiliser son pouvoir en commandant les fédérations. Les fédérations se défendent en disant qu’elles ont décidé de faire grève en écoutant les clubs. Au beau milieu de tout cet imbroglio, Villar peut se frotter les mains car maintenant, un problème national qui touche des centaines de milliers de jeunes joueurs vient prendre la place du sujet d’importance numéro un sur la pile de dossiers du CSD. Cette menace de grève n'a pas été mise à exécution mais une nouvelle vient de lui succéder.
En réalité, le mécontentement exprimé par la RFEF quant à la répartition des droits TV est juste une excuse. D'une parte, cela permet encore une fois d'attaquer le Gouvernement ainsi que la Liga. La RFEF argue que le Gouvernement n'y connaît rien au football et n'a pas à se mêler de ce sport. La menace de la grève est une autre tentative d'éviter de devoir auditionner devant le juge et de devoir expliquer où se trouve l'argent détourné. Villar et Padrón ont même réussi à se mettre le syndicat des joueurs (AFE) dans la poche, ont ne sait comment. Officiellement, l'AFE n'est pas satisfaite du pourcentage auxquels les joueurs sont imposés et réclame une diminution des impôts et 3 % du nouveau contrat de droits TV. Beaucoup de comptes de joueurs (et d'arbitres) sont en train d'être examinés par le fisc et forcément cela ne leur augure rien de bon. C'est pourquoi, selon la RFEF et l'AFE, grève il y aura. Le vrai motif de celle-ci, est de mettre le plus possible des bâtons dans les roues du gouvernement et rien d'autre.
Lors de l'annonce de la suspension de la Liga, certains présidents de clubs comme Villareal, Getafe ou Valladolid ont quitté l'assistance, estimant cette décision scandaleuse. La Liga a beau faire des assemblées de crise pour dialoguer avec la Fédération et inviter Villar à chacune d'entre elles, le président ne vient jamais. Villar et son second ont posé la voiture piégée et depuis, plus un signe de vie.
Certains avancent que le Basque agit comme bon lui semble depuis maintenant 26 ans car plus le temps passe, plus son influence s’étend et plus il devient intouchable. Les critiques sur l’arbitrage ne sont plus les bienvenues en Espagne et sont passibles de sanction immédiate. Selon José Ramón de la Morena, présentateur espagnol des plus respectés du pays, personne n’ose s’attaquer à Villar de peur de représailles. Ni les présidents, ni les arbitres ne sont en mesure de dire ce qu’ils pensent car les conséquences fâcheuses à leur égard seraient trop importantes. De plus, plaire à Villar c’est l’occasion de grimper dans la hiérarchie et de ne pas voir des obstacles impromptus se dresser sur sa route. Certaines personnes se sont spécialisées en léchage de bottes tant avec Villar qu’avec Tebas et pour le moment, le système est tellement corrompu que même le CSD ne peut rien faire. « Ils arrivent à l’assemblée de la LFP en costard disant qu’il faut virer Villar parce qu’il ne représente pas ce qu’est le football espagnol, disant qu’ils sont prêts à abandonner leur fonction à la Fédération. Et après, ce sont les mêmes qui arrivent à l’assemblée de la RFEF avec un autre costard et qui médissent violemment Tebas. Voilà entre quelles mains est le sujet. »
Candidat à la relève
« Et comme si cela ne suffisait pas, Villar est l’un des vice-présidents de la FIFA et de l’UEFA et président de la RFEF durant son temps libre » Miguel Ángel Galán
Pour la première fois depuis longtemps, quelqu’un envisage de se présenter à la candidature de la RFEF. Ce quelqu’un s’appelle Miguel Ángel Galán, président d’une école d’arbitre. À 36 ans, il peut se targuer d’avoir déjà réussi quelque chose de significatif dans sa lutte contre la Fédération, à savoir « avoir renversé le monopole de 40 ans de la formation d’entraîneurs de la RFEF ». Selon ses dires, son école est maintenant présente dans toute l’Espagne et forme plus que celle de la Fédération. Cet entrepreneur, est le même qui avait dénoncé Zidane pour ne pas avoir le papier requis afin d’entraîner le Castilla en Segunda B.
Son programme s’il était élu serait de limiter le mandant à 8 ans maximum, sponsoriser la Segunda B et la troisième division avec des noms d’entreprises (comme la Liga BBVA ou la Barclays Premier League), afin de distribuer l’argent de ses sponsors aux clubs. Autre idées, créer une LFP féminine et répartir plus équitablement les droits tv et accorder un petit pourcentage au football modeste, une transparence totale vis-à-vis de l’Etat. Travailler pour le football espagnol, y compris le féminin et le futsal, trop souvent délaissés par l’actuel gourou.
Pour être élu, il devrait obtenir 92 votes sur les 180 que compte l’Assemblée. Au vu de la façon dont Villar tient l’Assemblée dans la paume de sa main, l’ambition de Galán peut paraître utopique. Réponse courant 2016.