Karim Benzema a accordé une longue interview à L’Équipe dans laquelle il parle de son récent sacre au Ballon d’Or mais aussi du style de joueur qu’il est. Extraits choisis.
Ce qu’il ressent en regardant le Ballon d’Or : "De la joie, de la fierté, il y a plein de souvenirs, de clichés qui me reviennent. Il n'y a pas plus belle récompense individuelle, tous sports confondus. Déjà le nom : Ballon d'Or. C'est quelque chose de différent, magnifique, tout en or, le summum de la beauté. Et tu ne peux pas l'acheter. C'est à moi et je suis parti le chercher moi-même. C'est un truc de fou."
Une victoire écrite : "La rencontre était écrite. Ça va avec ma vie, ma carrière, mon histoire. Je ne me voyais pas arrêter le foot sans ça. C'était obligé que j'aille le chercher. Je le voulais et j'ai tout fait pour, mais ce n'était pas une obsession, un truc dans ma tête qui me rendait fou. Mais t'as le Ballon d'Or, t'as marqué l'histoire de ton sport. Et je joue au foot pour laisser quelque chose, ne serait-ce qu'une action, une émotion."
Un rêve de gosse : "Je vais dormir avec. Je vais faire comme un petit avec son premier doudou. Chaque fois que je le verrai, ça me rappellera mon enfance. Et des images de moi plus jeune défileront. Je ne sais pas pendant combien de temps, peut-être même que ça ne s'arrêtera jamais. C'est ma vie... L'évolution d'un gamin avec un petit ballon de cuir qui est devenu un ballon en or. C'est incroyable."
"Avec Modric, on communique avec les yeux"
Son entente avec ses coéquipiers : "Avec Modric, pas besoin de se parler, on communique avec les yeux. Il me regarde, il sait comment mon corps est placé. Je le regarde, je sais comment le sien est positionné. Et on sait tous les deux ce qu'il va se passer. Face au PSG (en demi-finale retour de LDC), tout le monde pense qu'il va écarter, mais je sais qu'il va faire cette passe. Et lui sait aussi parce que je freine et recule, tout en faisant comme s'il allait la mettre là-bas. Lui, c'est les yeux, les mouvements, la tête, avant les pieds. Entre grands joueurs, des regards suffisent à comprendre, à interpréter une situation."
Les sifflets qu’il a subit dans sa carrière : "Au Bernabeu, en équipe de France, même à Lyon, et c'est dur. Car c'est ton public. Ils viennent avec le temps et cela veut dire que tu n'as pas fait ce qu'il fallait pendant une certaine période. Faut te dire : "Qu'est-ce que je fais pour me sortir de là ?" Continuer comme ça, perdre confiance, avoir peur, devenir un joueur quelconque et me faire siffler tout le temps ? Ou prendre le dessus, car je connais ma qualité, et faire en sorte qu'on m'applaudisse ? Faut choisir. Il y a des sifflets qui me donnaient mal au crâne. Quand je rentrais chez moi... Il faut essayer de ne pas se polluer la tête. C'est compliqué mais ça peut aussi te faire aller plus haut."
Les sensations d’avant-match : "En fait, tu sens quand tu vas tout éclater. Face à Paris, je savais que j'allais faire quelque chose de... Bon, pas que j'allais marquer trois buts, mais je sentais tout, le vestiaire, la concentration, les coéquipiers, les supporters, c'était pas comme d'habitude. La pelouse, bien arrosée, etc. Tu sens qu'un truc va se passer."
Légendaire pic.twitter.com/JqnupxJFiq
— Karim Benzema (@Benzema) October 20, 2022
"Il y a cinq ans, personne n'aurait prédit ça"
Un Ballon d’Or au goût de revanche ? "Non. Ça fait longtemps que je suis nommé mais, au final, j'étais trop loin, même si j'aurais parfois pu être plus haut. Mais tranquille, chacun son heure. L'année dernière, on ne gagne rien collectivement, je termine quatrième. C'était dur, mais aucun souci. Il faut que je fasse plus ? OK, je vais y aller et le faire. Mais ce n'est pas une revanche. Je suis parti chercher seul, j'ai charbonné seul, depuis le bas, avec ma vie comme elle est. Le collectif est autour mais on ne m'a pas tenu la main. J'ai prouvé. Il ne faut pas oublier, il y a cinq ans, on a voulu me faire passer pour cet individu, là... Je suis resté à ma place, j'ai continué à travailler, pris mon temps. Je suis revenu devant, je suis là. C'est un Ballon d'Or particulier, l'un des plus beaux. C'est l'histoire en fait. Il vient de super loin. Il y a cinq ans, personne n'aurait prédit ça, personne. C'est pour ça que c'est exceptionnel, magnifique, que ça marquera l'histoire du Ballon d'Or. Je suis parti le chercher."
Un sixième sens : "L’instinct. Y a que ça de vrai. Je suis un joueur d'instinct. Je ne réfléchis pas. Tout ce que je fais, je l'ai pensé mais pas réfléchi. Quand le ballon est là, c'est instinctif. T'as toujours une pensée qui te dit de faire le truc. Ensuite, tu choisis. Moi, j'écoute mon instinct et je fais. Les fois où j'ai eu un "peut-être", j'ai loupé le coche. Mais mon instinct, c'est plus sur le tir, la finition. Le reste, c'est davantage de la sensation. Je sens l'action à travers les mouvements, comme lorsque j'anticipe le déplacement de mon défenseur pour bouger."
Où se situe-t-il par rapport à des joueurs comme Zidane, Ronaldo, Messi, Cristiano… "Juste au milieu. On sent le même football, on a quelques similitudes, mais je ne peux pas me mettre dans leur truc, ce n'est pas pareil et ce n'est pas une question de table. Zizou, Ronaldo, je ne peux pas, j'ai grandi avec leur football, je me suis inspiré d'eux. Je suis unique, je suis dans mon jeu, mais tu ne peux pas me mettre avec eux. Personne d'ailleurs. Pareil avec Cristano et Messi."