Javier Tebas a passé en revue l'actualité du championnat espagnol dans l'émission The Wild Project. Le président de LaLiga a notamment parlé de sa querelle avec Florentino Pérez, président du Real Madrid mais également de l'affaire Negreira, de la Super League, des matchs truqués et du racisme en Espagne.
Ses débuts dans le monde du football : "Je voulais être président de Huesca et quand le club était en troisième division, ils sont venus me demander de l'argent et que j'entre au conseil d'administration. Je leur ai dit que je le ferai s’ils quittaient tous le conseil d’administration et ils l’ont fait. Comme je suis souvent allé en Liga, j'ai rencontré de nombreux clubs et ils m'ont rapidement nommé représentant. Les clubs moyens et petits m’ont demandé de les représenter dans les négociations télévisées. L’imprévu m’a amené dans ce monde du football. Je suis un homme qui travaille beaucoup. J'ai emmené des joueurs dans ma voiture, j'ai vendu des billets, j'ai peint les lignes sur le terrain."
Souffrance en tant que président : "On souffre davantage en tant que propriétaire de club. Surtout quand on joue le maintien ou la montée sur un ou deux match. Quand j'étais à Badajoz, les matchs étaient organisés par le club. Je les mettais le samedi parce que sinon j’étais hystérique, je ne me retenais pas jusqu’à ce qu’on joue. Quand on se bat pour le titre, la souffrance est différente. Si tu descends dans une autre division, tu vas à la ruine."
Disparition des clubs : "Maintenant avec le contrôle financier, il y en a moins. Avant, il y en avait beaucoup. Il y a des clubs qui sont tombés très bas et qui ne s’en remettent plus. Le niveau de souffrance et de responsabilité est très élevé. Aujourd’hui, les gens souffrent davantage à cause du sport mais au moins ils savent qu’ils ne risquent plus la faillite."
Arrivée en Liga et matchs truqués : "Je suis arrivé en tant que président parce que je n'aimais pas la façon dont se déroulait la Liga. J’étais vice-président de la deuxième vivision. Je n'aimais pas les valeurs qu'il y avait : les dettes et les matchs truqués. Surtout dans les montées et les descentes. Je n'ai pas aimé ça du tout et j'ai dit aux clubs que je ne voulais pas continuer parce que c'était un mensonge. Et ils m'ont dit que je devais être président. Le manque de structure dans le football était dommageable. Lors d'un petit-déjeuner informatif, j'ai évoqué quelques points capitaux : contrôle économique pour mettre fin à la dette, mettre fin au trucage, vente centralisée des droits audiovisuels, internationalisation... Il y a eu des clubs qui m'ont reproché de parler des trucages. Il y avait des équipes qui achetaient certains joueurs pour gagner le match. C'était un terrible fléau. Je suis allé jusqu'à déposer une plainte très importante auprès de la Garde civile. C'était Levante-Saragosse. Il manquait des preuves pour une condamnation. Les clubs savaient que ce que je disais était vrai. Il y a eu un président qui, lorsqu'ils montaient de division, me disait : "Je vous jure que cette année nous n'achèterons pas de matchs"... Nous avons été très durs sur ce sujet. Les barrages devaient éviter les trucages en deuxième division. Il y avait des paris sportifs alors que les trois équipes étaient déjà promues. Nous avons vu des présidents condamnés. Il y a eu un président qui est descendu au vestiaire et a dit à l'équipe : "Vous n'avez pas sauvé l'équipe de la relégation, je l'ai sauvée parce que je l'ai achetée". Je suis devenu président pour que tout ça disparaisse. J’ai même mis de l’argent de ma poche pour embaucher des détectives."
Qualité de l'arbitrage espagnol : "Je n'ai pas vu de classements pour savoir si l'arbitrage espagnol est le meilleur. Tout peut être amélioré. Mais pour s’améliorer, il faut savoir que les choses ne vont pas bien. Le collectif manque de cette autocritique. Ils ont de bons arbitres mais ils manquent d’autocritique. Je ne sais pas pourquoi ils sont si fermés. Il n’y a rien de mal à admettre une erreur."
Le VAR : “J'ai été l'un des plus grands défenseurs du VAR, mais nous devons nous améliorer. Cela dépend du 'Vatican de l’arbitrage', qui est l'IFAB. Les anciennes fédérations existent toujours. Cela ressemble au Vatican oui, mais avec moins de sagesse. Les arbitres du VAR doivent être des spécialistes. Je ne sais pas s'ils le sont tous vraiment. La responsabilité de l'arbitre de terrain, qui était totale, a déjà disparu. Ce qu'ils font maintenant, c'est laisser décider ceux qui sont au VAR. Nous sommes tous des corporatistes... Nous devons renverser la situation et être plus ouverts à bien des égards. Nous espérons que cette année, les arbitres donneront une interview avant les matchs."
Les caméras dans les vestiaires, mais pas dans celui du Real Madrid : “Les clubs le voulaient aussi. C’est dommage que le Real ne le fasse pas, à la fois pour eux et pour tout le monde. Le jeu est très beau mais les fans veulent en voir plus. Regardez comme les discours de Michel sont devenus célèbres. Personne n'aurait pu l'imaginer comme ça, avec sa capacité de motivation. Nous sommes obligés de le montrer aux téléspectateurs. On n’a rien inventé, c’est une copie de la NBA. Nous sommes des imitateurs. En Premier League, ils donnent des interviews avant les matchs, ici ils ne le font pas... C'est nécessaire et le Real Madrid a tort."
Florentino : “J'ai eu de bonnes relations avec lui jusqu'à ce qu'on arrive à la vente centralisée des droits télé. Nous avons passé deux ans à négocier avec le gouvernement. Là, les choses ont commencé à se compliquer. Le moment où nous nous sommes le plus éloignés a été lorsqu'il a dit, avec un visage très bon enfant comme si de rien n’était : ”Javier, tu ne m'écoutes pas...”. Et je lui ai répondu : “Je t'écoute mais je ne fais pas attention à toi..." J'ai continué à lui parler mais dans une atmosphère pesante. Il a fait virer des directeurs. Il possédait également des enregistrements mais en raison de sa capacité d'influence, il n'en parle pas. Florentino exerce beaucoup de pression. Il supprime et remplace les rédacteurs en chef des journaux. En ce moment, j'ai une plainte du Real Madrid auprès du TAD avec laquelle ils cherchent à me disqualifier. Il a également porté plainte contre moi devant le Tribunal national... Je dis ce que je pense et cela ne lui plaît pas. Et pourtant je suis fan de Madrid ! C'est comme avec l'UEFA, je voulais qu'ils fassent certaines choses, ils ne l'ont pas fait et il est allé sur la Super League... Là où se trouve Florentino m'occupe et m'inquiète. À l'Assemblée du Real Madrid, il a déclaré que le club était venu pour sauver le football... Ce n'est pas possible. C'est un caractère messianique que je n’aime pas. Il y a quelques mois, les pays de l'UE ont signé un document contre la Super League avec des termes différents et l'Espagne ne l'a pas signé... Regardez son influence. C'est une question culturelle, il y a un modèle dont personne ne veut en Liga. Dans le football, les plus riches ne peuvent pas gouverner. Le Real Madrid est la locomotive avec le FC Barcelone mais une autre chose est que la concurrence est selon ce que vous pensez”.
Super League : “Je savais que ça allait être annoncé. Que ça se préparait et qu'il y avait des documents depuis janvier. Je me souviens que le premier avion qui est parti après Filomena avait pour but de rendre visite à Ceferín pour évoquer cette affaire. Des semaines auparavant, ils voulaient l'annoncer lors d'un congrès de l'UEFA. Je l'ai dit à Ceferín et je l'ai prévenu qu'Agnelli allait le trahir. Je lui ai dit de préparer une stratégie et je l'ai appelée « Opération Pop the Balloon ». Il disait qu’ils allaient annoncer une Super League et que nous allions l’interdire. Nous avons appelé les Ligues et Fédérations. Nous avons dit que nous allions dire que les joueurs ne pourront pas jouer dans les compétitions. Ils m'ont dit que c'était interdit mais je m'en fichais, je devais faire éclater le ”ballon”. Aujourd’hui, ce sont des moments amusants, mais c’était difficile. J’en suis venu à penser que je pouvais aller de l’avant. Miguel Angel Gil m'a appelé pour me dire qu'il allait signer avec la Super League... Ils lui ont dit que si l'Atlético ne signait pas, ils appelleraient Séville. Cette technique a rendu les gens nerveux et ils ont signé. Cela n’a pas avancé parce que la question des loisirs était essentielle. Actuellement, je ne pense pas qu'il ait d'avenir mais Florentino n'abandonne jamais, et je dis aussi qu'il ne perd jamais. Et s’il perd, il invente une histoire selon laquelle il a gagné."
Barcelone : “Le Barça est moins mauvais qu'on ne le pense dans sa gestion. Lorsque Laporta devient président, il déclare des pertes de 560 millions d'euros. Il faut que quelqu'un les mette. Sa masse salariale s'élevait à 600 millions d'euros. Si vous ne le laissez pas signer, il ne vendra pas de joueurs. C'est pourquoi la fameuse règle des 60 %. Actuellement, le Barça est proche de la règle du 1:1. Après l'interdiction des leviers de Barcelone, une file de clubs a voulu faire de même. J'espère et souhaite que Barcelone puisse être dans la règle du 1:1 en janvier. Le contrat avec Nike va beaucoup aider. Ils ont réduit la masse salariale de 200 millions, c'est énorme."
Affaire Negreira : “Au niveau sportif, il y a prescription. Mais sur la base de ces informations, nous avons porté l'affaire devant le bureau du procureur. Nous estimons qu'il convient de clarifier ça autant que possible. Nous avons soumis certains documents pour une enquête. Dans ce cas, il n’est pas prouvé que les arbitres ont été payés et je ne crois pas non plus que ce soit prouvé. Barcelone a payé Negreira parce qu'il leur a vendu qu'il pouvait influencer les promotions et les relégations des arbitres. Il leur a dit que Barcelone pourrait avoir plus d'influence là-dessus. C'est de la corruption sportive, mais pas au niveau des achats de matchs. Ils ne parviendront pas à dire qu'un arbitre a été payé. Ce qui a été fait est mal. Je pense que Barcelone aura sa sanction, mais pas au niveau de l'histoire qui se construit depuis Madrid. Il n'y a rien d'autre. Je pense que ça va être long. Il faudra qu'il y ait un procès. Je ne pense pas que l'on apprendra que Negreira a payé des arbitres."
Les leviers : “Désormais, ils peuvent se faire dans la limite de 5% du chiffre d'affaires de votre club. Vous ne pouvez pas dépenser les actifs du futur. Les règles sont établies par les clubs. Il y en a qui font croître l’entreprise."
Laporta : “Il est très optimiste. Le péché d'être optimiste... Il devrait moins l’être et faire preuve de mesure. En tant que président de la Liga, mon objectif n'est pas de m'entendre avec tous les présidents."
Vinicius et le racisme : "Il fait bien de parler de cette question du racisme. Il dit que l'Espagne n'est pas raciste. Ce qu’il a dit, c’est que si les épisodes racistes continuent, la Coupe du Monde 2030 ne se jouera pas ici. Ce avec quoi je ne suis pas d’accord. Il est un leader dans la lutte contre le racisme même si l’Espagne et le football ne le sont pas. Depuis Valence, il y a eu des progrès. Désormais, les gens se font remarquer lorsqu'ils sont proches de quelqu'un qui fait un geste raciste. Dans l’équipe d'Eldense, cela a été signalé. Nous surveillons Vinicius dans tous les matchs et nous signalons lorsqu'il est insulté. Nous avons supprimé de nombreuses insultes des stades. Nous devons faire du football un environnement familial et amusant."
Prix du football et du piratage : "Le problème du piratage n’est pas le prix. Il existe désormais des tarifs où vous avez du football pour 46 euros. En Espagne, cinq matchs peuvent être vus sur DAZN et il n'est pas nécessaire d'avoir le haut débit. Et ceux-ci sont également piratés. Netflix vient de déposer une lettre à Bruxelles pour se plaindre du piratage. Le problème n’est pas le prix, les gens ont pris l’habitude de ne pas payer pour le football. Beaucoup de ces adresses IP piratées sont de très bonne qualité. L'Espagne, après Malte, est le pays où le piratage est le plus répandu en Europe. Ce n'est pas une guerre perdue. Cela prendra fin. Si Google le voulait, le piratage diminuerait de 80 %. Dans les pays arabes, il n’y a pas de pornographie. Ici, le piratage est un délit, il pourrait aussi être bloqué. Mais Google ne le fait pas. La propriété intellectuelle des clubs est violée. S’ils arrêtent de nous défendre, les clubs iront à la ruine. Tout cela sera une catastrophe."