En 2007, le Real fait un petit caprice de riche et décide de s'acheter...un avion ! Mais les caprices peuvent s'avérer regrettables.
"Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles. Il paraît que la misère y est moins pénible au soleil", chantait Charles Aznavour. Le protagoniste du jour, un avion nommé MD-83, va connaître un destin similaire à celui d'une rock star à scandales, propulsée au sommet des charts un jour, licenciée par sa maison de disques le lendemain et terminant sa carrière en chute libre.
Ce géant sous lequel posent fièrement Ramón Calderón, alors président du club, Alfredo di Stéfano et quelques joueurs emblématiques en costard gris, est la nouvelle acquisition de l'institution madrilène. Sur le flanc de l'appareil, est inscrit en grandes lettres la marque Real Madrid. Debout sur le tapis bleu, di Stéfano tire le petit rideau accroché au fuselage, dévoilant ainsi le petit nom de cette attraction passagère : la Saeta. À son bord, peuvent embarquer 139 passagers : les joueurs, le staff, les dirigeants, mais aussi des supporters désirant se déplacer avec l'équipe. Le vol inaugural mène tout ce petit monde à Rome, le 2 octobre 2007, il y a huit ans jour pour jour. Le Real Madrid vole de ses propres ailes et ça, c'est plutôt classe !
Le coût de l'engin ? Dans les 45 millions de dollars. Et comme un avion ne se rentabilise pas avec des droits d'image et des ventes de maillots, il faut trouver un autre moyen de payer l'hypothèque. Un contrat est conclu avec la compagnie Swiftair à qui le club loue l'avion, lui permettant ainsi de récupérer une partie de son investissement. Et c'est là que les ennuis commencent...
Sans que le Real en soit informé, l'avion est utilisé à des fins douteuses. Le journal As fait un reportage, et photos à l'appui, montre que le jet sert à transporter des soldats de l'Union Africaine. En partance du Soudan, il dépose régulièrement des troupes ainsi que leur équipement militaire sur le sol tchadien, au coeur de la guerre civile. Le reste du temps, quand il ne compte pas à bord des forces armées, ses sièges sont occupés par des immigrés africains à qui l'on a refusé l'asile. C'est donc dans un avion floqué de l'écusson du Real Madrid que ces gens sont renvoyés chez eux. Et là, on peut affirmer sans être saisi de doutes, que la misère n'est pas moins supportable au soleil. Désolé Charles.
Véhiculer des soldats et des armes, faire quitter l'Europe à des immigrés dépourvus d'espoir et stocker des légumes dans les soutes, nuit à l'image du club. C'est ce qu'estiment les dirigeants au moment de rompre le contrat avec Swiftair en septembre 2008. On est peut-être plus heureux en Lambo qu'à vélo, à condition de ne pas traîner des casseroles derrière son bolide. Retour aux méthodes d'antan, le Real se déplace à nouveau en charter.
Malheureusement, l'histoire de cette machine volante ne s'arrête pas là. Le 24 juillet 2014, l'appareil décolle de Ouagadougou à destination d'Alger. 50 minutes après avoir quitté le tarmac, les radars perdent sa trace. Il est 1h55 du matin et on est sans nouvelles du vol AH5017. Deux avions de l'armée française se mettent alors à sa recherche et neuf heures plus tard, son épave est localisée. L'oiseau de fer a entraîné ses 116 occupants dans sa chute. Sur les terres de la commune malienne de Morondo, gît un avion qui jadis arborait l'écusson du Real sur sa queue, menant certains des meilleurs joueurs du monde d'un bout à l'autre de l'Europe. La gloire est parfois éphémère et néfaste.