Ramón Álvarez de Mon, chroniqueur pour La Galerna, a publié une chronique dans le journal du même nom sur la situation du Real. Traduction.
L’été dernier, lorsque le Real Madrid a décidé de répondre favorablement aux velléités de départ de Cristiano Ronaldo, il l’a fait en étant convaincu que, même dans le pire des cas – à ce moment il ne pouvait pas concrétiser le transfert de Neymar -, il pouvait compter avec une équipe championne d’Europe dans laquelle des joueurs comme Asensio ou Bale demandaient plus de protagonisme. Il est clair que le Real Madrid venait d’accuser une baisse sensible de régime en comparaison à la saison précédente, lors de laquelle elle avait obtenu un historique doublé Liga-Ligue des Champions. A partir de là, James et Morata s’en sont allés parce qu’ils demandèrent à partir, et dès la saison suivante, l’équipe l’a ressenti en termes de buts marqués. Mais ensuite, le défi devint encore plus grand, puisque c’est Cristiano qui s’en alla. Sur le plan comptable, 80 buts s’en sont allés en deux saisons.
Le pari du club était qu’Asensio, Bale, Benzema et un adolescent brésilien pourraient assumer le quota de buts nécessaire afin de conquérir un titre. Le transfert de Mariano ne paraissait pas obéir à une stratégie prédéfinie puisqu’il est arrivé en tant qu’opportunité de mercato. En s’attardant sur les antécédents de la nouvelle attaque, ils n’auguraient rien de bon : les chiffres de Benzema étaient en baisse depuis quelques années. Les lésions récurrentes de Bale ne lui avaient pas permis d’avoir de la continuité, et ses déclarations inopportunes à Kiev, bien que montrant une certaine ambition, mettaient aussi en avant le fait de ne pas être titulaire. Asensio alternait des semaines excellentes et d’autre médiocres, et Vinicius était une inconnue pour sa première saison. Ce qui est certain, c'est que Benzema réalise une saison fantastique et que le Real Madrid a trouvé en Vinicius un futur génie, mais Bale et Asensio, ceux qui réclamaient plus de temps de jeu, et donc ceux à qui le club a donné des opportunités, sont de clairs remplaçants à ce jour. Il est donc impossible que la force de frappe offensive du Real Madrid ne s’en ressente pas comme lors des derniers Clasicos, lors desquels le manque de précision dans le dernier geste a atteint son plus haut taux de cruauté en voyant le peu qu’avait besoin le rival pour marquer.
Il est possible d’être plus ou moins critique avec le club dans l’évaluation qu’il a faite en ce qui concerne le potentiel offensif de l’équipe. Il est certain que la stratégie ne passe pas par le fait de signer des roues de secours, mais plutôt d’attirer de grandes promesses ou des joueurs contrastés dont la relation avec leur club d’origine octroie au Real Madrid un avantage dans les négociations. Ne pas dangereusement endetter le club paraît être une attitude raisonnable si les joueurs de gros calibres ne sont pas accessibles et qu’il n’est possible, moyennant un prix élevé, d'engager des joueurs au delà du lot. Mais, le Real Madrid doit réaliser que le marché a changé et qu’obtenir des joueurs de haut rang suppose de réaliser un effort que d’autres clubs sont prêts à réaliser.
Il ne faut pas non plus oublier que le scénario qui se produit actuellement était prévisible, la fragilité physique de Bale et son manque de leadership n’étaient pas inconnus. Tout comme l’irrégularité d’Asensio, même si l’on pouvait espérer beaucoup plus du joueur des Iles Baléares.
Le manque de buts s’est couplé a un fond de jeu moins bon, ce qui a encore plus affecté la capacité à marquer du Real Madrid. En revanche, ce qui était imprévu et négatif et surtout très difficile à prévoir, c'était qu’en plein mois de mars, Modric serait aussi loin de son meilleur niveau, que Kroos soit l’ombre du joueur qu’il a toujours été, que Marcelo soit un remplaçant permanent alors qu’il y a peu il était considéré comme le meilleur latéral gauche du monde, et qu’Isco disparaîtrait des convocations.
En à peine deux ans, le Real Madrid a perdu James, Morata, Cristiano et il ne peut pratiquement pas compter sur Marcelo, Bale et Isco. C’est une perte de talent difficile à combler. De plus, en ce moment, la pire version de Lucas Vazquez est titulaire indiscutable au Real Madrid grâce au grand travail défensif qu’il réalise.
Il reste fondamental que Solari continue d’imposer un critère de sélection marqué par la méritocratie, mais à mon avis, il aurait dû être conscient qu’il serait difficile d’accéder à la Champions League sans compter sur Marcelo, Isco, Bale et Asensio en pleine forme. Il s’agit tout simplement de renoncer à trop de qualité, qui en ce moment n’est pas présent dans son équipe. Comment ne pas être conscient de la difficulté de la tâche : allier méritocratie, mais sans renoncer au saut de qualité maximal que peut encore donner l’effectif, dont la majorité, ne l’oublions pas, est remplie de joueurs ayant conquis l’impossible pour la majorité d’entre eux. Solari est juste dans ses choix, mais ce à quoi il a renoncé est trop excessif. Il est probablement trop tard pour que ces joueurs reviennent au combat. Mais à la décharge de Solari, lesdits joueurs n’ont pas donné beaucoup d’eux-mêmes pour que ce soit le cas.
Dans ces temps si funestes, la tentation de tout jeter au feu et le laisser brûler est une solution facile. Ce qui est sûr, est que le Real Madrid possède une grande base sur laquelle il peut reconstruire. Marcelo, Isco et Kroos sont toujours en âge de redevenir ceux qu’ils ont été jusqu’à il y a peu. Les considérer comme perdus ne devrait pas être une option, à moins que le club considère qu’il n’y a plus de retour en arrière possible.
Le Real Madrid doit également faire son autocritique. La perte de qualité de l’effectif en comparaison avec l’année du doublé est aussi éloquente que douloureuse. Le modèle logique qui consiste à détecter et signer de jeunes promesses a été poussé à l’extrême et tout s’est détérioré ensuite, parce que le Real ne peut pas vivre d’années de transition. Il reste la Champions, mais même si le Real Madrid parvient à l’obtenir, sa conquête ne doit pas faire oublier qu’il est nécessaire d’effectuer des changements, qui sont impératifs pour retrouver des motifs d’espoir. Reguilon et Vinicius peuvent être un commencement.
L'avis de Real-France
Les changements dont parle l’auteur auraient déjà dûs avoir lieu l’été passé. La Champions League conquise à Kiev a totalement occulté la saison désastreuse en Coupe et en Liga alors qu’avec le même coach, l’équipe avait obtenu le doublé la saison précédente. Et tout ne peut pas être mis sur le dos des entraîneurs. Lopetegui avait réclamé Thiago et Rodrigo, mais en retour il a eu Mariano et le départ de Kovacic. Les prix demandés pour ces joueurs peuvent paraître exorbitants, mais le marché est aujourd'hui ainsi. Le public a boudé le Bernabéu cette saison et cela doit pousser le club à se remettre en question. Solari est un employé du club appelé comme un pompier pour éteindre le feu, et malgré quelques mauvais choix ponctuels, il est loin de démériter.
Il est concevable que la perte des 400 millions que promettait IPIC pour le nouveau stade fut un coup dur pour Florentino, dont il n’est pas responsable. Cependant, il apparaît qu’avec les actifs que possède le Real en terme de joueurs prêtés (Lucas Silva, Theo, Achraf, James, Kovacic, Raul de Tomas, Mayoral, Odegaard), sans parler de ceux susceptibles de rapporter des sommes conséquentes en cas de départ, peuvent permettre au Real Madrid d’effectuer une gestion bien meilleure que l'actuelle.
Le club avait souhaité supprimer le poste de directeur sportif sous Mourinho, et on peut aussi considérer cela comme une erreur. Zidane, sans avoir occupé un tel poste, est la personne à l’origine des arrivées d’Isco et de Varane, deux joueurs qui ont d’ores et déjà marqué l’histoire du club, et ceci pour un coût peu élevé. Avoir aux côtés de l’équipe dirigeante une personne avec de bonnes connaissances footballistiques qui ne s’attèle pas uniquement à des tâches de prospection, ou, le cas échéant, donner à l’entraîneur voie au chapitre dans le domaine des transferts, semble indissociable du bon fonctionnement du club à l’avenir.