Marcelo a pris la plume et a écrit son histoire, l'une de ses histoires, sur le célèbre site The Players Tribune qui laisse la parole aux joueurs. Le Brésilien raconte à quel point la finale à Kiev, face à Liverpool, l'a mis dans un état secondaire. Extraits n°1.
📎 Extrait n°2, dans les coulisses de Real-Juve
Je ne pouvais pas respirer. J'essayais de ne pas paniquer. C'était dans le vestiaire avant la finale de la Ligue des Champions contre Liverpool en 2018.
Je me sentais comme si quelque chose était coincé dans ma poitrine. Tu connais cette sensation ? Je ne parle pas de nervosité, elle est normale dans le football. C'était quelque chose de différent.
Je te le dis, mon frère, c'est comme si j'étouffais.
Tout a commencé la nuit avant la finale. Je ne pouvais pas manger. Je ne pouvais pas dormir. Je ne pensais qu'au match. C'était drôle en fait, parce que ma femme, Clarice, se mettait en colère contre moi car je mangeais mes ongles, et elle a finalement réussi à me faire arrêter il y a quelques années. Mais à mon réveil, le lendemain matin, je n'avais plus d'ongles.
Un peu de nervosité est normal dans le football. Je me moque de qui vous êtes, si tu ne te sens pas un peu anxieux avant une finale, alors vous n'êtes pas une vraie personne. Peu importe qui vous êtes. Tu essayes juste de ne pas chier dans ton pantalon. C'est la vérité, mon frère !
Pour moi, la pression face a Liverpool a été la plus intense de ma vie. Peut-être que les gens vont penser que c'est étrange. On avait déjà gagné 2 Ligue des Champions consécutives. Tout le monde voulait voir Liverpool gagner. Donc, quel est le problème ?
Bien, quand tu as la chance d'écrire l'histoire, vous ressentez ce poids. Mais pour une quelconque raison, je la ressentais vraiment. Je n'avais jamais été aussi anxieux auparavant, donc, je ne comprenais pas ce qui se passait. J'ai pensé appeler le médecin, mais j'avais peur qu'il ne me permette pas de jouer.
Et je voulais jouer, à 100%.
J'avais quelque chose à me prouver à moi-même.
Quelques jours avant la finale, un ancien joueur du Real Madrid [ndlr : il parle de Valdano] a dit quelque chose à la télévision qui me trottait dans la tête. Il lui avait été demandé ce qu'il pensait de la finale et il a dit : "Je pense que Marcelo devrait acheter une affiche de Mohamed Salah, l'accrocher au mur, et prier tous les soirs".
Après 12 années et 3 Ligues des Champions remportées, il m'a manqué de respect en direct à la télévision. Ce commentaire avait pour objectif de m'enfoncer. Mais il m'a donné beaucoup de motivation.
Je voulais faire l'histoire. Je voulais que les enfants brésiliens me regardent comme je regardais Robert Carlos. Je voulais qu'ils commencent à laisser pousser leurs cheveux pour faire comme Marcelo, tu vois ?
Alors, je me suis assis à ma place dans le vestiaire et je me suis dis, combien d'enfants dans le monde jouent au ballon ? Combien rêvent de jouer une finale de Ligue des Champions. Des millions, des millions, des millions. Calme toi. Enfile tes chaussures, mon frère.
Je savais que si je réussissais à me rendre sur le terrain, tout irait bien. Pour moi, rien de mal ne peut m'arriver sur un terrain de football. Cela peut être le chaos autour, tout peut être fou autour de toi, mais si tu as un ballon entre les pieds, tu arrêtes de penser. Tout est calme, paisible.
Quand j'ai finalement mis les pieds sur la pelouse, j'avais encore du mal à respirer et j'ai pensé, si je dois mourir ici ce soir, tant pis. Je mourrai.
Cela va peut être paraître fou pour certaines personnes d'entendre ceci, mais vous devez comprendre ce que cela signifie pour moi. Quand j'étais petit... le Real Madrid ? La Ligue des Champions ? C'était des conneries ! Un conte de fée ! Ce n'était pas réel. Beckham, Zidane, Roberto Carlos... ces gars étaient aussi réels que Batman. Vous ne pouvez pas les rencontrer dans la vraie vie. Vous ne pouvez pas serrer la main d'un super-héros de bande dessinée. Vous voyez ce que je veux dire ?
À environ 20 minutes de la fin du match, alors que nous gagnions 2-1, la balle est sortie en corner et je me suis dit, "une affiche de Salah sur mon mur, hein ? Merci, mon frère. Merci pour la motivation."
Puis, à 10 minutes de la fin, on gagnait 3-1 et j'ai réalisé que nous allions être champions.
Le ballon est sorti, j'ai eu un instant pour réfléchir, et...
Mon frère, c'est la réalité : j'ai commencé à pleurer. Je sanglotais, sur le terrain. Rien de tel ne m'était arrivé auparavant.
Pleurer après un match ? Oui.
Pleurer pendant la remise de trophée ? Oui.
Mais pas pendant un match.
Cela n'a duré que 10 secondes. Le ballon a été remis en jeu et je me suis dit, "merde, je dois marquer mon joueur !"
Je suis revenu à la réalité et je me suis remis à jouer, comme un gosse.
En tant qu'athlètes, nous avons la responsabilité d'être des modèles. Mais nous ne sommes pas des super-héros. C'est pourquoi je vous raconte ce qui m'est arrivé. C'est la vraie vie. Nous sommes des êtres humains. On saigne et on s'inquiète, comme n'importe qui.
Quatre Ligues des Champions en cinq ans, et à chaque fois c'était brutal. Vous nous voyez soulever le trophée en souriant, mais vous ne voyez pas tout ce qui s'est passé depuis le début de l'histoire.
Quand je pense à toutes les finales, il y a un beau film qui se joue dans ma tête. Mais les images viennent à l'envers : de la fin de l'histoire jusqu'à son commencement.