L'entraîneur du Real Madrid, Carlo Ancelotti a accordé une interview exclusive au quotidien AS. L'Italien revient sur le bon début de saison de l'équipe, la course à la Liga, la forme de Modric, le nouveau stade, l'explosion de Vinicius, le tirage de Ligue des Champions et bien d'autres sujets...
Le Real termine l'année en beauté, qu'a apporté Ancelotti au club ?
Peut-être mon expérience de tant d'années dans le football et aussi le fait de savoir comment donner confiance aux joueurs. Nous avons une équipe talentueuse, de qualité, et l'entraîneur doit leur donner confiance. C'est également le travail du staff de trouver le bon équilibre entre les jeunes et les vétérans, et cela a également été réalisé. Mais le Real Madrid avait déjà un bloc, une équipe.
La saison dernière, le Real n’est pas passé loin du titre en Liga, là vous terminez la première moitié de la saison en vrai leader, presque inatteignable.
Oui, mais l'équipe était déjà en forme l'année dernière. C'était une saison dans laquelle ils ont rivalisé jusqu'à la fin. Les titres ne sont pas venus, mais ils ont concouru et sont passés tout près de la victoire dans une période où la pandémie n'a rendu les choses faciles pour personne.
Vous savez que les titres ne peuvent être promis, mais ...
Promettre des titres n'est pas la meilleure des idées, mais nous pouvons promettre ce que le Real Madrid offre toujours, c'est-à-dire être compétitif jusqu'au bout. C'est ce que nous faisons, nous sommes très performants dans toutes les compétitions, dans tous les matchs. Dans la première partie de la saison, nous avons très peu perdu. Nous n'avons connu que deux défaites, contre l'Espanyol en Liga et contre Sheriff en Ligue des champions. Mais c'était une période où il nous manquait des joueurs comme Modric et Kroos. Quand ils sont revenus tous les deux, on a vu que l'équipe avait une identité très claire.
Dans votre Milan, il y avait des stars comme Gullit, Van Basten, Baresi... Est-ce que quelque chose de semblable se produit aujourd'hui à Madrid ?
C'est précisément la façon dont on construit une équipe, en tirant le meilleur de chaque joueur, là où il peut le plus aider l'équipe. Chaque joueur doit évaluer ses capacités et les mettre au service de ses coéquipiers. C'est aussi le travail de l'entraîneur, et à Madrid, nous parvenons à cet équilibre. Il y a des joueurs qui ont plus de qualité, d'autres qui ont plus d'engagement et certains qui courent plus que d'autres. Elles sont toutes nécessaires et valables. Une équipe se construit en mélangeant les capacités techniques, physiques et tactiques de chacun de ses joueurs. C'est ce qu’on fait et c'est pour ça que l’équipe est si compétitive.
Il y a des équipes qui ne font que jouer, et d'autres comme le Real Madrid et le Bayern Munich qui sont clairement au dessus.
Le Real est compétitif parce que c'est dans son ADN, et c'est l'histoire de ce club. Le Real Madrid est un club de football différent des autres clubs. Ce n'est pas si facile à dire des autres clubs.
Modric est extraordinaire, il n'y a pas si longtemps il était impossible d'atteindre ce niveau au-delà de 32 ou 33 ans. Qu'est-ce que Luka a, la passion du jeu, la génétique, un peu de tout ?
Un peu de tout, sans doute. Luka et tous les joueurs actuels prennent soin d'eux pendant toute leur carrière. C'est l'entraînement, la nutrition, les soins… un peu de tout. Cela signifie que les joueurs d'aujourd'hui, même s'ils ont une charge de travail plus lourde, peuvent continuer à jouer. Les joueurs qui atteignent l'âge de Modric, Cristiano Ronaldo ou Ibrahimovic ont un grand mérite, mais c'est parce qu'ils sont très professionnels.
En plus de Modric, pensez-vous que d'autres comme Kroos ou Benzema y parviendront ?
Oui, j'en suis sûr car je les vois travailler au quotidien et je sais qu'ils sont des professionnels au maximum. Je pense qu'ils peuvent tous les trois atteindre l'âge de quarante ans en jouant à un haut niveau. C’est plus compliqué pour un attaquant, qui a plus d'usure qu'un milieu de terrain. Mais je pense que les trois peuvent le faire.
Si la performance de Modric est étonnante, celle de ses deux partenaires au milieu de terrain l'est tout autant : Kroos et Casemiro. Sans vouloir vous vanter, pensez-vous qu'Ancelotti possède le meilleur milieu de terrain du monde actuellement ?
Oui, je le pense. À eux trois, ils forment le meilleur milieu de terrain du monde en ce moment. Modric, Kroos et Casemiro ont tellement d'expérience et tellement de football qu'ils sont extraordinaires. Il se trouve qu'ils s’associent aussi très bien. Quand ils sont tous les trois ensemble, personne ne peut leur être comparé.
Benzema est-il le meilleur attaquant du monde aujourd'hui ?
Je pense que oui, car il ajoute maintenant à son football une grande régularité dans ses buts. Il en a autant que Cristiano Ronaldo ou Haaland. Benzema est un joueur qui fait la différence. On l'a encore vu lors du match contre l'Athletic, avec deux buts en très peu de temps. Il est dans une forme spectaculaire.
Il suffit de mentionner le nom de Camavinga pour que tous les supporters de Madrid sourient, et vous ?
Oui, ça m'arrive aussi. Je le vois sur le visage des supporters. Ces jeunes, comme Camavinga, Valverde et d'autres, doivent savoir qui ils ont devant eux, qui sont ceux que nous avons mentionnés précédemment : Modric, Kroos et Casemiro. Ils sont en compétition avec les meilleurs du monde et ils doivent évaluer ça et comprendre qu'à l'avenir, ce sont eux qui joueront à ce poste. Camavinga a une qualité et une puissance immense, mais il doit apprendre et acquérir de l'expérience et des connaissances pour la position dans laquelle il joue. Il ne l'a pas encore, mais il n'a que 19 ans ! Chaque jour où il s'entraîne aux côtés de Modric, Kroos ou Casemiro c’est comme passer un Master pour lui, je suis sûr qu'il apprend davantage de ce qu'il voit ses coéquipiers faire à l'entraînement que de ce que je lui dis moi.
Quelque chose de similaire a pu se produire avec Vinicius qui s'entraîne avec Benzema. Vini est clairement un meilleur joueur qu'il y a deux saisons. Il a explosé en tant que footballeur.
Peut-être, bien. Vinicius s'est amélioré parce qu'il fait les choses avec moins de précipitation qu'avant. Il a surtout changé sur le fait de prendre son temps dans les moments importants. Vini savait comment faire les choses difficiles et échouait dans les choses faciles. Maintenant, il prend plus de temps avec les mouvements plus faciles et ça marche bien. Mais ce qui est important, c'est qu'il a toujours essayé les choses compliquées et qu’il réussissait, parce que soit ça sort, soit ça ne sort pas.
Pensez-vous qu'il a encore une capacité à s'améliorer ?
Bien sûr. Vinicius a une vitesse et un talent fantastique. Je n'ai jamais vu un joueur avec une telle capacité à déborder, à faire du 1 contre 1. Mais il a encore les moyens de s'améliorer, par exemple, dans son jeu sans ballon, dans l'attaque des espaces et dans la finition, où il peut encore progresser.
Ce n'est pas seulement Vinicius. Il y a plus de jeunes qui arrivent. Contre Majorque, par exemple, le Real s'est retrouvé avec sept joueurs de moins de 23 ans sur le terrain. Cela s'est également produit en Ligue des champions, lors de certains matches de groupe. Est-ce le rôle d'Ancelotti de veiller à la progression des jeunes joueurs ?
La première obligation au Real Madrid est de gagner. Mais la progression des jeunes est un autre objectif. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Castilla et de nombreux joueurs de l'équipe réserve apparaissent dans l'équipe première. Ils sont l'avenir et, petit à petit, nous devrons les faire entrer. C'est clair. Maintenant, avec la pandémie, des opportunités leur sont offertes. L'important est que ceux qui sont incorporés soient performants, comme nous l'avons vu lors du dernier match à Bilbao avec Peter Federico.
Parlons du dernier tirage au sort de la Ligue des champions…
C'était regrettable, une erreur tout à fait évidente. Mais bon, c'était une erreur et rien de plus. Maintenant, nous devons penser au match face au PSG. L'objectif est d'arriver à cette confrontation dans le même état que celui dans lequel se trouvait l'équipe avant la récente épidémie de Covid. Ce que je veux, c'est arriver en février sans blessures et sans contaminations.
Les adversaires du Real en Europe sont le PSG, mais il y a aussi de grandes équipes comme le Bayern et Liverpool. Qu'attendez-vous du Real dans cette Ligue des champions très exigeante ?
Ce que je peux vous promettre, c'est que le Real sera en compétition jusqu'à la fin. Il n'y a pas de favori évident pour cette Ligue des champions. Ceux que vous avez mentionnés, comme le Bayern, Liverpool et le PSG, sont des favoris. Mais le Real Madrid aussi. Et l'Atlético. Oui. L'Atletico Madrid peut faire quelque chose d'important dans ce genre de matchs. Je pense que les équipes espagnoles vont se battre dans toutes les compétitions européennes car elles pratiquent un bon football.
Le Real a-t-il la moitié de la Liga en poche ?
Je ne pense pas, non. Nous avons un petit avantage et c'est vrai que certains adversaires, comme l'Atlético ou le Barça, sont un peu plus loin. Mais pas Séville, par exemple. La Liga est une compétition très compliquée car on ne peut jamais dire qu'il y a un match facile. Il y a beaucoup de bonnes équipes et vous voyez du bon football. Toutes les équipes ont une bonne qualité de jeu.
Nous avons subi une pandémie mondiale, les équipes souffrent financièrement et sportivement et seuls les clubs-États se maintiennent… et le Real Madrid, qui construit un stade monumental et une équipe jeune. Êtes-vous surpris par la force de l'institution madrilène ?
Non, cela ne me surprend pas car je connais l'institution, la structure du club et surtout son président. Il est vrai qu'à un moment de grande difficulté pour la société et pour les économies des clubs à cause de tout ce qui se passe avec la pandémie, c’est impressionnant que le Real s'engage pleinement dans la construction d'un grand stade, qui sera sûrement le meilleur stade du monde, et aussi d'une équipe d'avenir qui concourra à tous les niveaux.
Que pensez-vous du nouveau Bernabéu, seriez-vous fier d'être l'entraîneur dans ce futur stade monumental ?
Ce que je veux, c'est être là, sur le banc de touche, le jour de l'ouverture du nouveau stade !
Ne pensez-vous pas que des joueurs comme Mbappé, Haaland… aimeraient jouer dans un tel stade ? En bref, les meilleurs ?
Bien sûr, mais l'avenir de cette équipe est déjà écrit. Je ne sais pas ce que feront ces joueurs… j'espère juste que l'entraîneur sera le même qu'aujourd'hui. Mais cela n'a pas d'importance, car l'avenir du Real Madrid est déjà écrit avec l'équipe actuelle et avec d'autres jeunes joueurs qui vont arriver. Ça ne fait aucun doute que le Real Madrid va rivaliser à son meilleur niveau pendant longtemps.
Allez-vous demander aux Rois Mages un joueur lors du prochain mercato d'hiver ?
Non, cet hiver, je ne vais pas demander de joueurs. Je vais demander ce que tout le monde souhaite : que la pandémie cesse et que nous puissions vivre l'avenir en bonne santé. Joyeux Noël et meilleurs vœux pour la nouvelle année à tous les Madridistas.