Le Gallois Craig Bellamy a arpenté les terrains du Royaume-Uni durant ses 17 ans de carrière. De Norwich à Cardiff en passant par Liverpool, Manchester City et le Celtic Glasgow, il a connu une bagatelle d'entraîneurs notamment Benítez. Dans son autobiographie, il raconte sa relation avec le nouvel entraîneur du Real.
[dropcap]B[/dropcap]ellamy a côtoyé Benítez durant la saison 2006-2007 à Liverpool. Leur relation a connu des passages difficiles mais le joueur en a malgré tout gardé un bon souvenir. Voici ce qu'il a écrit à son propos.
"Le premier jour j'ai passé la visite médicale et je suis monté dans le bureau de Rafa Benítez. Je me suis assis. C'était comme parler d'affaires. Il a sorti un tableau et a commencé à m'interroger sur des systèmes footballistiques. Ce que je pensais sur telle ou telle formation, les aspects positifs et négatifs de jouer entre les lignes. Ou bien où je devais courir si un coéquipier avait le ballon dans une position déterminée. Il m'a questionné sur tous les systèmes existant sous le soleil. Et chaque réponse que je donnais, même si elle était correcte, se tordait en une autre question. “Si tu joues attaquant et ce joueur a le ballon, où irais-tu ?” C'était comme des questions à choix multiple. “Je courrais vers la gauche” lui ai-je dit. “Oui, mais tu devrais en premier courir à droite avant de tourner à gauche” m'a-t-il répondu. Les coéquipiers m'ont dit plus tard que c'était typique de Rafa. C'était comme être en présence d'un entraîneur qui ne souriait pas.
L'ambiance du club aussi paraissait étrange. C'était un lieu de commerce et de travail. Il n'y avait pas beaucoup de personnes souriantes. Il n'y avait pas beaucoup de rires là-bas. Même les physios étaient emmerdants quand ils faisaient les médecins. Tout le monde paraissait inconfortable.
Une grande partie du travail tactique de Rafa était très, très bon. Il était impressionnant de ruse et j'ai beaucoup appris de lui sur ce point. Mais je ne pouvais être d'accord avec cette idée car certains joueurs ont besoin de liberté, étant donné que nous nous exprimons sur un terrain de jeu de différentes manières. Il était très rigide. Nous travaillions des mouvements spécifiques encore et encore. Dans ce sens-là, c'était un peu comme du football américain. Rafa voulaient des gens qui courent sur des routes tracées quand le ballon était à un certain endroit, comme il me l'avait expliqué la première fois où j'étais dans son bureau. L'ailier vient dedans, le défenseur passe devant, l'attaquant doit à chaque fois courir près du poste (ndlr. dans l'espace laissé libre). Il ne prenait pas en compte le fait que celui qui le marquait pouvait deviner ce qu'il ferait après plusieurs tentatives. Il fallait continuer à le faire, comme s'il ne pouvait pas y avoir d'espace pour que quelqu'un d'autre le fasse. La moitié du temps je me sentais comme un coureur qui devait faire le lièvre.
Mais j'ai beaucoup appris. Défensivement Rafa était exceptionnel. Il était très bon pour annuler le danger adverse. Il analysait des vidéos afin de déterminer les forces et faiblesses du rival. Notre préparation pour les matchs était extrêmement soigneuse. Rien n'était laissé au hasard. Il n'y avait pas de marge de spontanéité. Rien. Il n'avait pas confiance en cela. De tous les entraîneurs avec qui j'ai travaillé, c'est celui qui avait le moins confiance en ses joueurs. Nous n'avions pas de plaisir. Il ne faisait pas d'exercices dans des espaces réduits ni rien de tout cela. Tout était de la tactique avec des exercices chronométrés et des routines.
C'était un peu comme "Un jour sans fin". Tu arrivais et tu faisais la même chose à chaque fois. Parfois, les attaquants aiment terminer la session en faisant des finitions, mais une fois qu'il sifflait, l'entraînement se terminait. Rafa ramassait les ballons, les mettait dans le sac et ne permettait à personne de faire du travail supplémentaire. C'était un fanatique du contrôle total.
Les rotations ont été une autre chose à laquelle j'ai dû m'habituer. Rafa nous a dit que le onze initial ne serait connu qu'une heure avant le coup d'envoi car il ne voulait pas avantager l'adversaire. Ce qu'il voulait dire c'est qu'il ne voulait que rien ne s'échappe de personne et il ne se fiait pas du fait que les joueurs puissent garder un secret. Il n'avait pas confiance en les joueurs sur le terrain, alors il n'allait certainement pas avoir confiance en eux en dehors de celui-ci".
La description faite de Benítez contraste totalement avec celle que les joueurs font d'Ancelotti. Le vestiaire du Real Madrid va devoir s'adapter et bien que professionnel, cela risque de constituer un gros choc pour lui. Pour Craig Bellamy, indiscipliné de nature, l'adaptation a fait quelques ravages. Peut-être l'entraîneur espagnol a-t-il changé depuis 2007 ? Seuls les joueurs pourront en témoigner...