Benítez aime le Real depuis toujours. Il avait accompli son rêve en l'entraînant. Peut-être aurait-il dû songer à y réussir. L'issue aurait été plus heureuse.
"J'ai toujours rêvé de porter ce maillot", déclare le joueur tout souriant. Sourit-il en pensant au contrat qui l'attend ou parce que l'hypocrisie dont il fait preuve l'amuse ? Rafa Benítez lui, n'était pas un hypocrite. Il souhaitait réellement défendre ce club. Dans le milieu du football, l'acteur prend ce qu'on lui donne. Le plus important : ne pas être au chômage. Ensuite, être le mieux payé possible. L'amour du maillot vient en dernier, à moins d'être une superstar. Un concours de circonstances et de contacts avaient permis à Rafa Benítez de se retrouver à la tête du Real avec comme motivation principale, son attachement à la Casa Blanca.
En 1995, il quitte le Real après avoir entraîné plusieurs équipes de jeunes, le Castilla, et été adjoint de del Bosque. C'est le début de l'exil. Vingt ans plus tard, il revient à la maison. Le retour de l'enfant prodige ? Pas du tout. Pour beaucoup, c'est le mauvais choix. L'entourage du Real refuse de reconnaître un homme qu'il a façonné. Une sorte de fils illégitime, qui ne serait pas assez attrayant pour représenter un club qui se veut si glamour. Avant même de poser un pied dans sa ville, les messes basses à son sujet se font déjà insistantes. Remplaçant d'Ancelotti viré injustement, il va le payer. On dit au sujet du football qu'il n'y a pas de place pour les sentiments. En l'occurrence, pour le sentiment de rancoeur, il y en a toujours. Et pourtant, il est l'entraîneur le plus Madridiste depuis des décennies.
Là où il aurait été plus normal de lui laisser du temps, on le lui a retiré. À titre de comparaison, van Gaal demande de la patience depuis un an et demi. Et puis, il faut dire que Benítez n'avait pas grand chose pour lui. Jeu ennuyant, défense inquiétante, communication volontairement élogieuse à l'extrême ou alors, victimiste. Car ce fut bien là sur une sorte de dernière tentative de reconquérir l'estime de son président, du moins par les mots, que le Míster s'est mis à son diapason, dénonçant une "campagne contre le Real Madrid". Ce que tous font quand ça ne va pas ; du vu et revu.
Même si la situation n'est en rien catastrophique, personne n'a voulu croire à une amélioration. Sans oublier qu'il s'est sabordé tout seul comme un grand, en établissant des relations conflictuelles avec ses joueurs. Ce n'est pas avec de brillantes séances tactiques que l'on récupère un vestiaire. Moins de six mois après sa nomination, il était déjà condamné. Il allait sauter un jour ou l'autre.
Toute une vie il s'était préparé à cette consécration, qui est celle pour un entraîneur de diriger le Real Madrid. Partout où il est passé, il a gagné. Ses preuves ont été faites. En revanche, tout son palmarès a été passé sous silence au-devant des mauvais résultats et de ses choix inadéquats. Il est vrai que ça lui fait une belle jambe au Real, en retard au championnat, que son entraîneur ait été consacré ailleurs. Les plus osés diront qu'il était mauvais. Florentino Pérez a consumé dix entraîneurs en douze ans. Étaient-ils tous mauvais ? Les plus résignés, décréteront qu'il n'était pas fait pour le Real Madrid. Possible, encore que... Lui a toujours pensé qu'il l'était.
Ce Real Madrid dont Benítez rêvait n'était qu'un idéal. On dirait bien qu'entraîner ce club garantit une ligne inégalable sur son CV, qui ne vaut cependant pas la peine d'être obtenue à tout prix. Voir son Real mal en point a dû lui faire doublement mal, à lui, le supporter-entraîneur. Pour se terminer de la sorte, ce rêve ne méritait peut-être pas d'être réalisé... Benítez aurait voulu faire partie de l'histoire du Real. À défaut d'être éternel dans les mémoires, il le sera dans les écrits. Lui désirait le Real de tout son coeur. Le Real ne le désirait qu'à moitié.