Chaque semaine, l'un des rédacteurs de Real France vous proposera un édito, au gré de l'humeur du moment. Aujourd'hui, une moue blasée.
L’une des premières choses à expliquer à des enfants qui jouent au foot, c’est qu’il est absolument inutile de s’agglutiner autour du ballon. Le crève-cœur du jeune footballeur, c’est d’accepter que le ballon est parfois mieux dans les pieds de son coéquipier que dans les siens. Il doit aussi comprendre que ce n’est pas forcément lui qui fera gagner son équipe à tous les coups. Le problème avec l’esprit d’équipe, c’est qu’il est toujours plus facile à inculquer à des joueurs moyens. Ils réalisent rapidement qu’ils n’ont pas le talent nécessaire pour être indépendants sur le terrain. Mais au Real, des joueurs comme ça, il y en a très peu. À part Nacho, Pepe, Casemiro ou Kovacic, tous semblent pouvoir changer le cours d’un match par leur seul talent. D’ailleurs, c’est ce qu’on leur demande. La tactique de Zidane -appelons plutôt ça une idée de jeu, et encore-, c’est de miser sur les différences individuelles générées par ses stars. Aléatoire et inconstant ? Complètement. Infructueux ? Non, car le Real vient de gagner une Ligue des Champions à coups d’exploits individuels.
Tout ça est assez paradoxal dans une institution où l’on martèle que personne n’est plus grand que le club. En revanche, tout le monde ou presque semble être plus grand que l’équipe. Et il n’y a pas de raison que cela évolue. Celui qui espère que Zidane deviendra un grand tacticien en une saison se voile la face. Sans oublier que derrière cette volonté de faire jouer une équipe de stars, se cache un président multi-récidiviste en la matière. Les Galactiques, ça vous dit quelque chose ? Oui mais les Galactiques avaient un élément que l’équipe actuelle a perdu : la joie. La joie de faire marquer son ami grâce à une géniale talonnade en retrait. La joie de regarder à sa droite, à sa gauche, et réaliser que l’on est entouré des plus grands, en étant soi-même un grand. La joie de pouvoir oublier les millions parce qu’une ouverture venue de la droite à la dixième minute, reprise victorieusement par un double Ballon d’Or en surpoids, est tout simplement inestimable. La joie de savoir qu’on est en train d’écrire l’histoire.
Aujourd’hui, l’allégresse a disparu. Ronaldo est anxieux à l’idée que d’autres marquent. Morata est prêt à grossièrement simuler, désespéré à l’idée d’être décisif. Ramos n’est plus une frissonnante tête brûlée. C’est un tout-puissant trompeur qui fait de lui un danger pour ses propres partenaires. Sans parler d’Isco, un magicien dont les trucs ont été découverts. Les enjoués se comptent sur les doigts d’une main : Modric, Asensio, et à la rigueur Lucas Vázquez.
Pour retrouver un Real joyeux, il n’y a pas besoin de remonter bien loin. Quand Zidane a repris l’équipe en janvier, certains matches transpiraient le plaisir. Plus qu’une joie de vivre, une joie de jouer. Avant ça, le Real d’Ancelotti régalait le monde du football malgré le déséquilibre causé par le départ de Xabi Alonso. D’octobre à décembre, on avait vu dans la capitale le meilleur jeu proposé depuis l’ère Del Bosque. Vivement que Marcelo revienne. Voilà un joueur qui paraît s’amuser en permanence. Le rock n’roll du Real Madrid, comme le surnomment certains journalistes. Ce qui est bien avec la joie et les sourires, c’est qu’ils peuvent au moins embellir un mal-être. En plus, ils sont censés être contagieux.