Real France était présent à Nyon, à l’occasion de la demi-finale de la Youth League contre le PSG. Récit d’une après-midi.
C’est le seul week-end de l’année où le stade de Colovray sera rempli. Une enceinte de 7000 places, dans une ville de 20.000 habitants, avec une équipe en fond de troisième division, ça n’attire pas les foules. En revanche, quand les meilleurs jeunes d’Europe viennent à Nyon et que les billets sont à moins de cinq euros, l’affluence est bonne. Des voitures sont garées au bord de la route sur deux kilomètres. De l’autre côté de cette route se trouvent les bâtiments de l’UEFA, face au lac. Le public est jeune, mixte, rendant l’ambiance détendue. Une poignée d'ultras parisiens ont fait le déplacement, mais sont quasiment anonymes.
Les spectateurs sont debout. Non pas qu’ils ovationnent sans discontinuer, mais c’est que la tribune où se situent les places assises est réservée aux invités. C’est par exemple le cas d’une délégation biélorusse. Malheureusement, il n’est expliqué nulle part comment se faire inviter, et mes connaissances nulles en biélorusse ne me permettent pas d’avoir de réponse, ni de poser de questions. Sinon, il faut s’appeler Roberto Carlos où Butragueño, aussi présents à l'événement.
Une entrée des joueurs et un tcheck assez élaboré entre Mayoral et Javier Sánchez plus tard, la rencontre débute. Sur le terrain, il y a du beau monde. Au total, sept vainqueurs du dernier Euro U17, y compris Luca Zidane. Rapidement, le Real prend le contrôle du jeu. Le PSG a un plan ingénieux : obliger le Real à jouer depuis derrière. Comme les Blancs affectionnent particulièrement les espaces, surtout les ailiers, Cedrés et Lazo, le PSG décide d’attendre l’adversaire dans sa partie de terrain. De plus, les Parisiens sont en majorité immenses ; le Real ne peut rivaliser dans les airs. Même le grand Mayoral est surpassé par Eboa Eboa, international A camerounais. Sur le front de l’attaque parisienne, Odsonn Edouard est surveillé par la paire Javier Sanchez- Salto. Ils ont intérêt à le museler, puisque le Guyanais a marqué plus de buts qu’il n’a joué de matchs ces trois dernières années. Alors Sánchez s’applique. Lui, c’est un garçon qui est entré à la Fábrica à sept ans. Un garçon qui est dernier défenseur, qui monte balle au pied, et qui assure. Mais lorsqu’il s’agit de courir après un attaquant, son déficit de vitesse a de quoi procurer un petit stress à chaque fois.
Cinquième minute, le Real prend un but gag, à la suite d’une mésentente entre le latéral Hakimi, Zidane, le ballon, la poitrine de l’un et les mains de l’autre. Ce but n’abat pas le gamin derrière moi. Il a trouvé une technique infaillible pour encourager les Madrilènes. Étant donné qu'il ne connaît aucun joueur, il lit leurs noms au dos des maillots, ajoute « Vamos » à ce nom, et s’égosille. En premier, c’est le latéral gauche Dani Fernández qui a droit à ses encouragements impromptus. Peut-être que ces stimulations personnalisées l’ont aidé à gagner des duels face à l’Ivoirien Yakou Meïté, dans ce qui aura été une belle opposition. Ensuite, lassé de se concentrer sur Fernández, le jeune supporter jette son dévolu sur Cristian Cedrés. « Vamos Cristian ».
En termes de soutien, le Real a quand même droit à mieux. Un groupe d’une dizaine d’hommes chantent les chants traditionnels. Ces vocalistes apportent un peu de merengue à la pluvieuse grisaille du jour. Cette joyeuse escouade pourrait être tout droit sortie du Bernabéu. J’apprends plus tard qu’elle vient de Berne, mais il n’y a que quelques lettres de différence après tout. Une sorte de chose mouillée m’effleure. Je me retourne. C’est un grand drapeau de Di Stéfano, agité au-dessus de ma tête. Tambour, drapeaux, gosiers, tout est utilisé pour supporter le Real en bonne et due forme.
Vers la demi-heure, Lazo se lance dans une série de dribbles et obtient un pénalty transformé par Mayoral. La star de l’après-midi marque son huitième but de la compétition. De ronaldesques « suuuu » d’allégresse se font entendre. Les Madrilènes continuent à développer leur jeu de passes. Les hommes de Solari font tourner encore et toujours. Pas un dégagement. Dès que la balle est perdue, tout le monde se démène pour la récupérer. Mention spéciale à Fidalgo, qui court à en perdre haleine. Zidane et les centraux échangent un nombre impressionnant de ballons. D’ailleurs, le gardien français est plus qu’à l’aise avec ses pieds. Cedrés lui envoie une passe piégeuse, qu’il contrôle sereinement de la poitrine, puis relance au sol. Il se permet même d’éliminer un Parisien lors d’une sortie, en piquant un ballon par-dessus son pied. S’il y a un domaine dans lequel le « fils de qui vous savez » doit progresser, c’est dans les sorties aériennes, un brin approximatives.
À la mi-temps, un partout. Cette troisième confrontation entre les deux équipes voit un Real supérieur techniquement, obligé d’élaborer un jeu de possession afin de trouver la faille dans l’arrière-garde parisienne. Mayoral est brouillon et discret, tout le contraire du capitaine Febas, au-dessus du lot. Dès qu’il reçoit le ballon, il accélère le jeu. Le joueur du Castilla est facile. Les ailiers, eux, transparents. Il faut dire que la petite taille du terrain ne leur facilite pas la tâche. Sans compter que face à eux, ils ont Alec Georgen, un poulain de Mino Railoa. Rapide mais surtout technique, il ne cède pas aux fantaisies de Cedrés et Lazo, qui ont buté à tour de rôle sur le Français.
Au retour des vestiaires, le scénario change. Madrid a plus de place sur le terrain. Comme à son habitude, Hakimi monte aux avants postes. On cherche à jouer long pour Mayoral, qui a tendance à ne plus être clairvoyant une fois dans la surface. Le Real trouve la profondeur qui lui a manqué en première période. Fidalgo continue son travail de sape. Il fera d’ailleurs forte impression auprès du public. Au pressing, entre les lignes, en soutien, on a affaire à un joueur particulièrement intelligent au niveau du jeu.
Le coach du PSG lance un « allez les garçons, allez », alors qu’un autre enfant, s’obstine à adresser des « shine bright like a diamond » au juge de ligne, en hommage à son crâne chauve, lustré par la pluie. Entre lui et ceux qui demandent aux joueurs d’y mettre des cojones alors qu’il y a encore égalité, on ne peut que constater qu’il n’y a pas d’âge pour le dévergondage verbal.
À six minutes du terme, Kanga accouche du deuxième but parisien. Le garçon aux Vamos dit qu’il faut donner de la voix, qu’il faut continuer de chanter. Les Madridistas le regardent l’air de penser : « Laisse-nous être abattus en paix s’il te plaît ». Pour couronner cinq dernières minutes terribles, Lazo se fait expulser, et le Real en prend un troisième. Jean-Kévin Augustin mystifie Salto, avant de faire peur à Zidane qui se tourne quand le ballon arrive sur lui.
Les jeunes Madrilènes ont perdu. Pendant que le PSG prend un bain de foule d’envahisseurs de terrain, les produits de la Fábrica rentrent au vestiaire la tête basse. La Youth League leur échappe une fois encore. Il leur reste maintenant le championnat, où ils sont à la lutte avec l’Atlético. Quant à moi, ce match m'a mis en retard. Je me dirige vers la sortie, évite une embrouille naissante, et m'empresse de monter dans un bus bondé. Quels joueurs fouleront les pelouses d'Europe pour disputer la vraie Ligue des Champions ? Verdict prochainement peut-être...
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