Sacré sportif régional de l'année par La Voix du Nord, le défenseur du Real Madrid Raphaël Varane a accordé une interview au média nordiste. Extraits.
Raphaël, que représente cette distinction pour vous ?
"Beaucoup de choses ! Ça vient de chez moi, ça compte énormément. C’est une reconnaissance qui me touche beaucoup de la part d’une région et de gens qui comptent beaucoup pour moi. C’est là que tout a commencé."
On revient sur cette année fantastique. À la fois la Coupe du monde et la Ligue des champions. Ce sont les deux plus belles compétitions qui existent dans le football. Quelles sont vos impressions par rapport à ce palmarès ?
"C’est extraordinaire. Extraordinaire, déjà, de le vivre, mais en plus, ça se passe la même année. C’est rare. C’est énorme. Petit, je ne m’imaginais même pas vivre tout ça tellement c’était un rêve inaccessible. Au final, ça arrive dans la réalité. C’est extraordinaire, oui."
Et vous êtes, cette année, le seul à réussir cet enchaînement !
"Oui, c’est vrai. Ça rend la chose encore plus belle. C’est rare, je l’ai dit. Même si j’en ai déjà gagné beaucoup avant, avoir ces deux trophées réunis la même année, c’est extraordinaire. Vraiment une année pleine, difficile, mais très, très belle. C’est beaucoup d’efforts, de concentration, beaucoup de matchs, de remise en cause. Toutes ces choses-là au quotidien. Et, au final, ça fait une année extraordinaire."
Ça vous fait déjà quatre Ligues des champions, plus une Coupe du monde… Avez-vous conscience d’écrire l’histoire du foot ?
"Oui, quand même parce que quand je compare avec les autres palmarès, au niveau du foot français ou sur le plan international, ce n’est pas facile d’avoir ce palmarès, ce type de trophées. Je me rends compte. Après, je pense que l’impact réel dans l’histoire et dans ce que ça représente, c’est pour plus tard. La Coupe du monde par exemple, on mesurera la performance encore plus fort dans plusieurs années. Sur le coup, on essaye, mais je pense qu’on ne réalise pas vraiment."
Vous êtes un joueur pour qui le collectif compte plus que l’individuel mais tout de même, cette septième place au Ballon d’Or, c’est une déception non ?
"Déjà, ce que j’aime bien dans la question, c’est que vous insistez sur mon goût pour le collectif. C’est vrai, j’aime en parler. J’ai aimé le foot petit pour partager avec les autres, faire les efforts ensemble… Il y a vraiment quelque chose dans le foot et les 'sports co' qui n’existe que là, en fait. C’est ma façon de penser, ma philosophie. Après, c’est Modric, un ami, qui a gagné. Donc je ne peux qu’être très content pour lui. Il n’y a que des grands joueurs en course. Si on m’avait dit il y a quelques années que je serais déçu si je n’avais pas le Ballon d’or, je signais tout de suite (rires). Non, franchement, je ne peux pas être déçu car mon année 2018 a été fantastique. Et pour moi, la plus belle des récompenses, ce sont les commentaires de certaines personnes du monde du football qui se sont exprimées."
Oui, justement, Modric a dit qu’il aurait voté pour vous. Simeone, le coach de l’Atlético, a dit que vous méritiez le Ballon d’or… Ça met du baume au cœur ?
"Oui et il n’y a pas eu qu’eux ! Michel Platini aussi et beaucoup d’autres personnes. Je ne veux pas les lister mais c’est bien qu’il y en ait beaucoup. Et surtout, ce qu’ils ont dit, ça m’a beaucoup touché. C’est une belle reconnaissance pour moi."
Ce n’est pas trop dur, pour vous les défenseurs, d’être un peu maltraités avec ce type de récompenses ? Ce sont toujours les joueurs offensifs qui sont couronnés…
"C’est un peu normal. C’est vrai que nous, les défenseurs, nous sommes moins exposés à la lumière. Mais nous le savons, ça fait partie du jeu. Moi, quand j’étais gamin, ce sont les joueurs offensifs qui me faisaient le plus rêver, c’est normal. Après, ce qu’on fait, c’est un travail de l’ombre, du placement, de l’anticipation. C’est le cœur de notre métier, des choses qu’on voit beaucoup moins. Mais nous sommes reconnus par les gens du milieu, les professionnels, les gens du métier. Et comme je l’ai dit, toutes les déclarations des personnes venues du foot, pour moi, c’est magnifique."
La dernière Ligue des champions que vous avez gagnée, comment la situez-vous ?
"Au niveau de ce qui se passe sur le terrain, les quatre sont comparables. Maintenant sur le plan émotionnel, la première et la quatrième sont les plus fortes. Pas que les deux autres soient nulles, loin de là. Mais la quatrième, c’est la troisième de suite, c’est historique. Personne n’y croyait vraiment en début de parcours. On entendait : "C’est bon, ils l’ont déjà gagnée trois fois, deux fois de suite… Ils peuvent passer la main". Et, donc, nous étions très attendus. Alors, voilà, réussir ce nouveau défi, c’est fort. Et puis la première, c’est la première, la découverte."
Quel est le secret du Real ? Beaucoup de clubs sont riches et grands et pourtant ils gagnent moins ? Les moyens n’assurent pas toujours la victoire en foot…
"C’est difficile. Il y a une exigence très forte au quotidien. Et il n’y a que des compétiteurs à tous les niveaux du club. Des gens qui veulent gagner tout le temps. C’est l’ADN du club. Même les supporters, quand on gagne la Ligue des champions, la première chose qu’ils nous disent c’est : "On va gagner la suivante..." C’est vraiment ancré dans le club. Tout est fait pour la gagne, l’exigence. Nous ne sommes pas là juste pour jouer au football. Mais pour réaliser des performances et relever de nouveaux défis."
Mesurez-vous le chemin parcouru et n’oubliez-vous pas parfois que vous n’avez que 25 ans ?
"Il faut me le rappeler (rires) ! S’il y a bien quelque chose que j’ai du mal à mesurer, c’est ça. C’est bizarre. J’ai l’impression que je viens d’arriver. Je vis au moment présent. Je découvre de nouvelles expériences, de nouveaux stades, de nouvelles ambiances, de nouveaux coachs, de nouveaux défis. Beaucoup de choses me semblent nouvelles. Mais en même temps, ça fait déjà sept ans à Madrid. C’est ma huitième saison. C’est bizarre car ça va très, très vite en fait. Ça passe à une vitesse folle. Et le fait de vivre ça très jeune, je pense que ça m’aide à me dire que ça passe très vite."
Vous aviez les jambes qui tremblaient en arrivant ici, au Real ?
"Je suis arrivé discrètement, c’est mon caractère. J’étais là pour apprendre. Je m’en souviens, en fait, quand je vois les jeunes de 18 ans. Par exemple, là, on a Vinicius et je me dis que moi aussi j’ai vécu ça. Ça me donne envie de les aider à se sentir bien."
Côtoyer de grands joueurs qui aiment le travail comme Cristiano Ronaldo vous a conforté ?
"Bien sûr. C’est une mentalité indispensable. Peu importe le nombre de fois où on tombe, le plus important c’est de se relever. C’est comme ça à chaque entraînement, au quotidien. On rate une passe, ce qui compte c’est la suivante. En match, on fait une erreur, il ne faut pas en faire le match suivant. Et ainsi de suite. Cristiano Ronaldo, quand il rate une occasion, il va être énervé pour mettre la prochaine. Et la prochaine, il va la mettre, je peux vous le dire. Et c’est comme ça qu’il progresse et reste au top niveau tout le temps. Forcément, c’est un exemple."