Le Real ne joue que rarement dans l'Hexagone, alors quand il le fait, aucune chance pour que Real France ne manque l'événement. Reportage sur place.
Sur les Champs-Élysées, les
maillots blancs fleurissent. Par contre, devant la boutique du PSG,
il y a la queue. Que ce soit sur le Champ de Mars ou au à Charles
de Gaulle, on devine que c’est un jour de match. Dans le métro
direction le stade, plus de doute possible. Les gens ne cherchant
pas à descendre à la Porte de Saint-Cloud font figure d’intrus,
alors qu’en réalité, ils rentrent juste chez eux comme chaque jour
de la semaine. Des Espagnols sont au téléphone et tentent
d’expliquer à leurs amis à quelle station descendre. « Tu sors
à Porté dé Saint-Claoude » se désespèrent-ils. Et
comme leurs amigos ne semblent pas avoir compris, ils
prennent une photo du panneau en sortant et la leur
envoient.
Une fois à l’air libre, nous constatons que les CRS ont envahi les trottoirs. Les rues sont complètement bouchées. Les supporters madrilènes ayant fait le déplacement commencent à se faire entendre à coup de « comó no te voy a querer ». Ce n'est pas tout le monde qui peut débarquer dans une ville et crier sur tous les toits que leur équipe a gagné 10 Coupes d’Europe. C’est pourquoi les Espagnols s’en donnent à cœur joie. Là, ils vont recevoir les premières insultes de la soirée. Dans la file pour passer les portiques, un Parisien nous lance : « Ils font les malins là. Après ils chanteront plus. Chez eux, ils chantent pas, y’a zéro ambiance ».
Il reste encore une heure avant le coup d’envoi mais certains supporters locaux sont déjà bien en forme. Leur équipe n’est pas encore sortie ? Pas de problème, ils ont trouvé à propos de quoi s’époumoner. Leurs cris sont dirigés vers les merengues présents dans le stade. Pour déclencher leurs sifflets, il suffit de se faire prendre en photo avec le maillot du Real. Dès qu’ils s’aperçoivent de cette petite provocation, un concert de désapprobation s’élève dans les travées du Parc. Nous n’osons même pas imaginer quel traitement est réservé aux Marseillais. Les Madrilènes sont en terrain ennemi et je renonce rapidement à sortir le maillot de Jesé de mon sac. L’ambiance est loin d’être bon enfant. Au moins, de l’ambiance, il y en a ! Qui a dit que le Parc était inanimé ? Autre alternative aux sifflets, les doigts d’honneur. Certains ont d’ailleurs une résistance remarquable dans leur majeur, puisqu’ils ne sentent pas la fatigue les gagner dans cette partie de leurs corps. Et sinon, les insultes sont un autre recours possible. Comme en espagnol les mots « Madrid » et « mère » se ressemblent, difficile de savoir qui les individus les plus virulents traitent de traînée.
Une fois les équipes échauffées et changées, le spectacle peut prendre ses droits. L’hymne mythique de la Ligue des Champions retentit. Il faut avouer qu’il est un peu trop aigu pour être dignement chanté. Les acteurs sortent du tunnel tandis que des volutes de fumée s’élèvent depuis les tribunes d’Auteuil et de Boulogne. Les photos de circonstance prises, l’arbitre lance la rencontre. Aussitôt, le stade entier donne de la voix en faveur de son équipe.
Durant tout le match, les Parisiens vont chanter à la gloire de leurs joueurs. L’ambiance est ahurissante, assourdissante. Rares sont les personnes à ne pas demeurer debout. Un joueur de tambour emmène avec lui toute l’enceinte dans ses chants, rendant l’animation remarquable. Pendant ce temps-là, sur le terrain, Marcelo et Ronaldo forcent le respect. Le premier par ses dribbles, le second, par sa puissance. 45 minutes et quelques occasions madrilènes plus tard, retour aux vestiaires. Les VIP quittent leur loge pour aller déguster du champagne et des petits fours. Les autres se content d’un hot-dog. Un de mes voisins me demande si je suis déjà allé au Bernabéu. Je lui réponds par l’affirmative. « C’est grand j’imagine. Ça c’est rien du tout comparé à là-bas non ? - Ouais, à Madrid il est deux fois plus grand à peu près ».
Derrière moi, un gars se lamente d’être rentré dans le troisième sous-sol niveau amour. Je me sens triste pour lui mais préfère commenter le match avec la personne assise à côté de moi plutôt que de compatir d’avantage. Mon voisin, à qui j’ai appris 20 minutes auparavant que le numéro 23 du Real s’appelait Danilo, vient de Nancy. Et son voisin à lui, de Suisse. Ils discutent : « Il est pas génial Zlatan hein ? -Ah ouais, il est nul ! ». Ils se tournent ensuite vers moi pour me demander la nationalité de Keylor Navas. On dit costaricain ou costaricien d’ailleurs ?
La partie reprend et suit son cours. L’arbitre en prend pour son grade, se faisant traiter de tous les noms. S’il y a bien un point commun aux fans du monde entier, c’est leur rancœur envers les arbitres. Sur le côté du terrain, les remplaçants s’échauffent. La cote de popularité de Pastore est plus élevée que celle de tous ses collègues sur la pelouse. La rentrée de l’Argentin va provoquer une joyeuse réaction de la part de la foule. Contrastant avec l’animosité qui règne autour des remplaçants parisiens, certains Madrilènes se préparent dans un anonymat presque total. Deux personnes proches de moi identifient Cheryshev, ce qui n’empêche pas qu’elles aient toutes les peines du monde à prononcer son nom. Ne leur en faisons pas grief. Le Russe ce n’est facile pour personne.
Au final, le troisième match de cette Ligue des Champions se termine sur un score décevant. Cependant, le spectacle proposé valait le détour (pas le prix). Le deuxième acte de ce divertissement se joue dans la rue. Les gendarmes à moto sifflant pour se frayer un passage ne suscitent pas vraiment la sympathie des piétons. Une Porsche Cayenne escortée par des forces de l’ordre passe dans la rue et tous se posent la même question : « C’est Nasser ? ». Quelques secondes plus tard, deux Renault aux vitres teintées empruntent également la rue.. « C’est Sarkozy ? ».
Tandis qu’une part des fans fustige la gendarmerie, l’autre refait le match. La prestation d’Ibrahimovic a rendu fou tous les supporters du PSG. Elle fera débat jusque dans le métro. Elle aura le temps d’être évoquée étant donné que l’embouteillage est grandiose. Des centaines de personnes sont entassées dans les sous-sols de la station, contraintes d’avancer pas à pas. Au milieu de cette marée humaine, mieux vaut être patient. Quelques petits malins jouent les bourrés, essayant de gagner des places au sein du cortège. Finalement, chacun rentre dans la rame et se disperse. Pour notre part, la soirée se finit dans un McDo de la place Clichy à 0h30. Et à ce moment, on se dit que Di María a été sympa avec ses anciens copains et que bien sûr, le Real aurait clairement dû le gagner, ce match au sommet.