L’entraîneur du Real Betis, Manuel Pellegrini, s’est exprimé en salle de presse avant de recevoir le Real Madrid au Benito Villamarín (samedi, 16h15).
Comment se porte le Betis ?
Nous avons perdu un match sur les 16 derniers. Beaucoup d'équipes
ont souffert en Copa, c'est quelque chose qui arrive. Mais si nous
faisons le bilan, je ne pense pas que nous traversions une mauvaise
passe, je considère que l'équipe est très solide.
Voulez-vous aller plus loin ?
La prochaine étape pour le Betis dépend de la situation économique
du club. Ces dernières années, nous avons à peine réussi à
recruter. Quand il y aura de la stabilité, nous pourrons avoir une
équipe plus compétitive. Mais cette équipe n'a pas de plafond, nous
rivalisons avec n'importe qui et nous avons gagné une Copa del Rey.
Ce qui a été fait au cours des quatre dernières années mérite de la
reconnaissance.
Ce sera difficile de faire un saut qualitatif si
l'aspect économique ne change pas ?
Le budget et l'arrivée de joueurs de haut niveau aident beaucoup,
mais ils ne garantissent pas le succès. J'apprécie beaucoup ce qui
a été fait ici, avec le manque de ressources économiques, tant au
niveau de la gestion sportive, du conseil d'administration, de
l'équipe d'entraîneurs que des joueurs. Je n'aime pas comparer, la
réalité est ce qu'elle est et c'est avec elle que nous devons
travailler. J'aimerais qu'il y ait plus d'argent. Mais l'équipe
réagit parfois mieux que lorsque plus d'argent a été investi les
années d'avant.
Et de nouveaux rivaux apparaissent dans la lutte pour
les premières places, comme Gérone.
Gérone n'était pas attendu. Il y a trois places en Ligue des
champions qui sont presque toujours occupées. Ce sera très
difficile. Ce n'est pas une obligation, loin de là, mais une
ambition. Nous voulons essayer, mais nous ne pouvons pas dire que
c’est un échec si nous ne nous qualifions pas pour la Ligue des
champions.
Craignez-vous le départ d'un joueur important lors du
mercato d’hiver ?
Chaque fois que nous affaiblissons l'équipe, nos chances de
progresser diminuent. Il faut avoir le potentiel pour pouvoir
remplacer le joueur qui part. Les années précédentes, les joueurs
qui arrivaient réussissaient bien. Si quelqu'un part en janvier,
j'espère que non, si le club n'a pas l'argent, il ne sera pas
remplacé. Un autre nom arrivera, mais pas un remplaçant. Le mérite
de l'équipe est d'avoir su surmonter cette contrainte
financière.
La blessure de Fekir affecte l’équipe ?
Il est difficile de nier que la blessure de Fekir peut affecter un
groupe. C'est le meilleur joueur que nous avions, la star, et il
est absent depuis un an. Mais c'est le mérite de ce groupe, qui a
su répondre présent quand il y avait beaucoup de blessés. C'est le
reflet d'une performance collective importante.
L'exploit a été de faire signer Isco.
L'arrivée d'Isco était importante car Canales est parti et Fekir
était blessé. Nous avions besoin d'une personne capable de nous
apporter du football. J'ai eu la chance de rencontrer et signer
Isco quand il était à Malaga. J'ai ensuite voulu l'emmener à
Manchester City, mais il voulait aller au Real Madrid. Il voulait
relever un défi important dans le football, en dehors de l'aspect
financier. En discutant avec lui, j'ai pensé qu'il était la bonne
personne et il l'a confirmé par un engagement impressionnant.
Lui voyez-vous des limites ?
Lorsqu'il est arrivé à Malaga, c'était un joueur différent. Le fait
d'avoir joué tant d'années à Madrid et avec tant de joueurs de ce
niveau l'a fait beaucoup progresser. Aujourd'hui, à 31 ans, il n'a
aucun problème à être le Isco qui a dix ans d'expérience dans sa
carrière. Il ajoute le côté technique au côté physique avec toutes
les courses qu'il fait à chaque match. Ses stats sont
spectaculaires.
A-t-il le niveau pour jouer à Madrid ou au Barça
?
Bien sûr qu'il a le niveau pour le faire. Je n'ai aucun doute sur
le fait qu'avec ce niveau, il jouerait pour ces équipes. Isco l'a
prouvé pendant de nombreuses années au Real Madrid.
Le Real Madrid demain, comment abordez-vous le match
?
Contre les équipes fortes, il est important d'avoir la personnalité
nécessaire pour ne pas changer notre façon de jouer. Nous cherchons
toujours à jouer. L'objectif est d'avoir de la régularité pour
essayer de se qualifier pour l'Europe.
Vous n'avez jamais dit de mal du Real
Madrid.
Je ne peux pas dire de mal du Real parce qu'il n'y a rien à
regretter. Coacher ce club est déjà un énorme succès. Nous avons
fait une saison à 96 points, même si nous ne sommes pas allés très
loin en Copa et en Ligue des champions. Quand j’étais à Madrid, il
y a eu des divergences de vue sur ce qu'est le travail d'un
entraîneur avec un conseil d'administration. Sans me disputer,
j'accepte les différences d'opinion. Le président a une façon de
penser sur ce que sont et ce que doivent faire les entraîneurs et
j'ai eu un différend avec lui au début de la saison. J'ai même
proposé de partir à ce moment-là. Ça ne s'est pas produit. La
saison s'est écoulée et j'ai su que je ne resterai pas, que je
gagne le titre ou non. J'aurais aimé rester quelques années de
plus. Mais je l'ai toujours dit, ça a été compensé par Malaga et ça
a été inoubliable pour toute l'affection qu'ils avaient pour moi et
pour avoir fait le meilleur Malaga de l'histoire. S'il y a un
différend avec le président, c'est l'entraîneur qui part. Je n'ai
aucun problème avec Florentino Pérez.
Vous avez dit un jour que vous ne l'aviez pas
connu.
Je ne l'ai pas connu parce que j'ai rencontré Florentino pour un
déjeuner une fois, quand j'ai signé. Il m'a posé des questions en
personne, rien sur l'équipe. Puis il m'a envoyé un ordre indiquant
que deux joueurs quittaient l'équipe et que deux joueurs importants
arrivaient. J'en ai discuté avec Valdano et je ne lui ai plus
jamais parlé. Ce sont des façons de penser différentes et c'est lui
le président. Si un entraîneur perd son autorité auprès du conseil
d'administration, le lendemain, les joueurs vous tournent le
dos.
Pensez-vous que la défaite en Copa del Rey contre
Alcorcón a été l’unes des causes de votre départ ?
Perdre à Madrid contre Alcorcón n'était pas prévisible. Nous avons
eu beaucoup d'occasions, mais peu importe ce qui s'est passé. C'est
arrivé à tous les entraîneurs du Real Madrid, la Copa est spéciale
et il y a beaucoup de motivation chez les autres équipes. Ça m'est
également arrivé avec Villarreal, lorsque nous avons perdu contre
Poli Ejido. Tout peut arriver. Je pense qu'après Alcorcón, l'équipe
a réalisé l'une des meilleures saison de l'histoire du Real Madrid.
Ça m'est arrivé, l'important était de savoir l'assimiler. J'aurais
aimé ne pas vivre ça. J'ai commencé ma carrière d'entraîneur en
étant relégué, mais j'ai aussi beaucoup appris.
En avez-vous tiré beaucoup d'enseignements
?
On apprend beaucoup des choses négatives. Je n'ai pas besoin de
l'expliquer moi-même. Après Alcorcón, chacun l'a vécu comme il
l'entendait. Ça fait partie de la carrière, ne pas se laisser
abattre dans les moments difficiles, c'est ce qui m'a fait
progresser.
Et puis il y a eu Mourinho...
Je ne me compare pas à lui. Nous sommes deux entraîneurs
différents, nous avons peut-être eu une relation différente avec le
président. Il n'y a pas de comparaison à faire et ça ne m'intéresse
pas. Je n'y ai même pas pensé.
Changeriez-vous quelque chose à cette saison à Madrid
?
Oui, aussi bien à Villarreal, où j'ai eu des problèmes avec
Riquelme, qu'à Madrid. J'aurais peut-être pu essayer de me
rapprocher de Florentino Pérez, essayer de lui parler avant que les
problèmes n'arrivent. Ensuite, je suis resté un peu en retrait pour
le convaincre qu'il y avait un manque de joueurs, ce qui a été la
base de leur succès ensuite. Le Real a changé grâce à Isco, Modric,
Kroos.... Des joueurs doués techniquement. Nous avions neuf
attaquants. Mais ça n'a pas été fait. Et bien sûr, j'en suis aussi
responsable. Ces erreurs ont des conséquences plus importantes,
peut-être que si j'étais resté à Madrid, j'aurais manqué le temps
passé à Malaga. J'aurais aimé rester plus longtemps au Real Madrid,
mais pas si j'avais dû perdre mon temps à Malaga. Je vis pour les
défis.
Vous avez manqué plusieurs titres.
Je crois que j'ai douze titres, j'aurais aimé en avoir plus. Mais
ce que j'apprécie le plus dans ma carrière, c'est d'avoir tiré le
meilleur parti de tous les clubs où j'ai joué. Nous avons réalisé
la meilleure saison de l'histoire dans plusieurs clubs et c'est
quelque chose. Cela vaut autant qu'un titre. Bien sûr, j'aurais
aimé remporter la Ligue des champions.
Y a-t-il des titres qui vous ont échappé ?
Le titre qui m'a échappé est celui de la Liga avec le Real Madrid.
Cristiano Ronaldo a été blessé pendant trois mois et Barcelone nous
a battus 1-0 grâce à un superbe but à la 81e minute, marqué du pied
gauche dans la lucarne. Sans cette défaite, nous aurions été
champions. L'équipe avait surmonté beaucoup de choses, c'était une
équipe déséquilibrée. Et c'était le meilleur Barcelone de
l'histoire. Cela m'a fait beaucoup de mal de ne pas gagner ce
titre.
Son élégance est similaire à celle de Carlo
Ancelotti.
À mon avis,
Ancelotti possède toutes les qualités qu'un grand entraîneur
doit avoir. Il a gagné la Ligue des champions et la Liga, les
joueurs ne se plaignent jamais de lui. Cependant, dans cette
profession, il y a une phrase qui reflète ce que nous sommes : on
est engagé pour être bon et on est renvoyé pour être mauvais. Et
vous êtes aussi évalués par des amateurs qui n'ont aucune idée de
ce qu'est la profession.
Parfois, on a l'impression que ceux qui haussent le ton
plus souvent obtiennent plus de reconnaissance que vous ou
Ancelotti.
Je ne vais pas être meilleur ou moins bon parce que j'ai plus de
reconnaissance. Je ne demande pas plus. Plus d'importance ou de
reconnaissance ne fera pas de moi une meilleure personne. Je suis
heureux de recevoir des récompenses, mais je ne vis pas de ça. Cela
ne fera pas de moi une meilleure personne ou un meilleur
entraîneur.
Et comment trouvez-vous ce Real Madrid ?
Comme une équipe très solide, avec une très bonne qualité technique
et des joueurs comme Bellingham et Vinicius qui apportent un niveau
spectaculaire. Ils n'ont pas eu de chance avec Courtois et Militao,
tout comme nous avec les blessures. Ils ont des exigences très
élevées, ils doivent tout gagner et ils le montrent avec
l'excellent leadership de Carlo Ancelotti.
Vous voyez-vous toujours comme un possible sélectionneur
de votre pays à l'avenir ?
J'ai toujours été fier d'être chilien. Ce sentiment sera toujours
présent. J'aime beaucoup l'Italie et l'Espagne. Je n'aime pas le
métier de sélectionneur, j'aime être sur le terrain au quotidien
pour générer de l'adrénaline. Et je ne me sens pas capable d'aller
monter un projet pour qualifier le Chili pour une Coupe du Monde.
S'ils ont un projet et qu'ils pensent pouvoir compter sur ma
présence, je serais heureux d'y aller si, à ce moment-là, je n'ai
pas de club avec lequel m'entraîner.