En pleine préparation pour le Mondial, Raphaël Varane nous a reçus à Clairefontaine avant le dernier match de préparation face aux Etats-Unis.
On conseille souvent aux jeunes joueurs prometteurs de ne pas céder aux sirènes de l'étranger. Est-ce qu'avec le recul tu te dis que tu as pris un risque en arrivant si jeune au Real Madrid ?
Oui bien sûr, c'est un risque. Après tout dépend de la personnalité du joueur. Moi j'aime relever les défis et ça, c'était un sacré défi ! Mais je n'y suis pas allé tête baissée non plus. Je savais que j'avais la possibilité de retomber sur mes pieds si jamais ça se passait mal. Je savais aussi que je devrais être patient, surtout à mon poste. On n’arrive pas en se disant 'je viens pour jouer tous les matchs'... J'ai été prévenu par Mourinho à l'époque et c'était clair dans ma tête. Ça a été difficile mais c'était un risque à prendre, qui s'est avéré plutôt payant.
Je suis très très bien à Madrid et j'espère que ça va durer encore longtemps.
Dans quel état d'esprit es-tu aujourd'hui, tu t'imagines faire une immense carrière au Real ou est-ce qu'un nouveau challenge serait envisageable pour toi à l'avenir ?
Je suis bien au Real Madrid, mais depuis que j'ai manqué l'Euro en 2016, je vois les choses différemment. J'évite de voir trop loin on va dire, car sinon ça fait trop mal si ça ne se passe pas comme prévu. Mais pour l'instant je suis très très bien à Madrid, il n'y a aucun souci par rapport à ça. J'ai la confiance du club, de mes partenaires, un contrat jusqu'en 2022, donc pour moi tout va bien à Madrid, et j'espère que ça va durer encore longtemps.
Si tu inspires du respect en Espagne, tu sembles encore avoir quelques détracteurs et des gens qui doutent de toi en France. D'où vient cette différence d'opinion selon toi ?
Déjà, il faut qu'ils aient la bonne information, c'est pour ça que vous êtes là (rires). Il faut qu'ils aient au quotidien des informations sur ce qui se passe à l'étranger, car des fois les infos qui arrivent en France ne correspondent pas toujours à ce qui se passe vraiment. Et puis après, c'est aussi à moi de mettre un doublé en finale de Coupe du Monde pour faire changer l'opinion (rires) !
L'objectif annoncé par Noel Le Graët pour la France au Mondial est une demi-finale. Toi qui évolues au Real, là où il y a une véritable culture de la gagne, est-ce que tu envisages vraiment un autre résultat qu'une victoire ?
Quand je commence une compétition, c'est pour la gagner. On va tout faire pour, on sait que ça va être très difficile, mais il faut y croire, nous les premiers, sinon ce sera compliqué. Pour ça, il faut prendre les matchs par étapes, déjà bien commencer, et après on verra jusqu'où on peut aller. Ce qui compte c'est d'aller au bout de nos possibilités, pour revenir dans tous les cas sans regrets et pouvoir se dire qu'on a fait le maximum. L'important, comme ils disent en Espagne, c'est de 'dejar todo en el campo', c’est-à-dire tout laisser sur le terrain, tout donner.
Si tu devais oser une petite comparaison entre le Real Madrid et l'Equipe de France aujourd'hui, que manque-t-il à l'EDF selon toi ?
Je dirais de l'expérience, du vécu, et aussi des automatismes.
Dans l'équipe de Madrid, on se connaît parfaitement, je ne vais
pas dire qu'on joue les yeux fermés, mais on
sait exactement où se
trouve le partenaire, à quel endroit il va se déplacer. C'est un
vrai plus, surtout dans les moments un peu plus difficiles, quand
il faut souffrir, on sait trouver les partenaires et comment se
sortir de situations compliquées. C'est important pour les grandes
équipes, c'est l'expérience et le vécu commun.
Je parle beaucoup avant les matchs et je peux apporter cette tranquillité dans les moments difficiles qui est fondamentale.
Parmi les 23 joueurs sélectionnés en EDF, tu es celui qui a le plus gagné, qui a le plus de références. N'est-ce pas à toi de prendre le leadership ?
Je ne pense pas qu'il faille un joueur pour guider les autres. On a besoin de 23 leaders. Moi, j'ai ma personnalité, j'apporte mon expérience. Je parle beaucoup avant les matchs ou avec les jeunes qui viennent d'arriver. Je peux aussi apporter cette tranquillité dans les moments difficiles qui est fondamentale. Il ne faut pas céder à la pression, à la panique, et continuer à tous avancer dans même sens quoi qu'il arrive.
Tu sors d'une grosse saison avec Madrid, ne ressens-tu pas un peu de fatigue à l'aube de débuter le Mondial ?
Un peu, oui, mais c'est normal. Je n'ai pas joué les deux premiers matchs de préparation car j'ai besoin de faire une coupure. C'est important de se reposer physiquement, mais aussi mentalement. On sous-estime souvent la fatigue mentale, mais jouer tous les trois jours, ça épuise aussi sur ce plan. Je devais faire une coupure et remettre un peu d'essence dans le moteur, et puis on repart.
Que peut-on te souhaiter pour cette Coupe du Monde ? Un but en finale ?
Non, deux ! (rires)
C'est un clin d'oeil à Zidane ?
Aussi oui... (il sourit)